Hassen Ferhani nourrit cette idée de filmer les abattoirs d'Alger depuis plusieurs années. Lui-même vient d'un quartier qui se situe près des abattoirs. Un jour, il décida d'y entrer et a été saisi par son atmosphère. Via un documentaire, le metteur en scène a ainsi voulu retranscrire le potentiel humain et cinématographique du lieu. Après en avoir parlé au producteur Narimane Mari, Hassen Ferhani a commencé à filmer l'endroit sans argent et sans avoir fait de repérages.
Le tournage a duré deux mois, en avril et septembre. Entre temps, Hassen Ferhani a revu les rushs, trouvé les protagonistes, les lieux et la temporalité. Il explique : "Au final, cela ne fait que 60 heures de rushes, car il y avait des journées où ne tournait pas, où on ne faisait que discuter. J'ai fait des rencontres au fur et à mesure. (...) Certains se sont embarqués très vite, comme Youssef et Houcine. Pour d'autres, ça a mis plus de temps, le temps de les connaître."
Hassen Ferhani a cherché à montrer que même dans un lieu de carnage et de mort, on peut trouver de la poésie, de la musique et de l'amour. C'est ce qui l'a le plus interpelé dans les abattoirs et amené à faire ce documentaire. Ce n'étaient pas les bêtes et le rituel qui intéressaient le réalisateur mais plutôt la manière dont les hommes qui côtoient la mort développent leur imaginaire.
Hassen Ferhani n'a pas voulu intervenir pendant le filmage mais au contraire donner l'impression de se poser à un endroit et attendre que quelque chose se passe : "J'avais l'idée de plusieurs scènes de théâtre : le plan sur la manivelle évoque une ouverture de rideau. J'essaie de poser un cadre, de trouver la bonne distance, et j'attends le surgissement de la vie, de l'inattendu, à l'intérieur. J'utilise une focale fixe (50mm), qui m'impose de ma déplacer en fonction de ce que je veux filmer", confie-t-il.
Co-créateurs du film, les personnages filmés ont réfléchi au statut de la caméra et des images. Hassen Ferhani nous en dit davantage sur ce processus original à mille lieues du reportage classique : "Ça a été très difficile d'expliquer au départ que ce n'était pas un reportage, et qu'on était pas l'Etat, mais qu'on faisait un documentaire avec un désir de cinéma. (...) Mon n'était pas de raconter un bout de leur travail, mais de rentrer dans leur imaginaire. Je voulais montrer comment ce lieu est habité, cette atmosphère de huis-clos. Cet endroit c'était aussi un carrefour qui raconte l'Algérie."