Pour Douglas Beer, L'Instant infini représente un cheminement des plus violents - celui des deux personnages principaux - suite au décès de leur petite fille. Il met en évidence les obstacles que Marie et Léo rencontrent sur leur chemin vers une sublimation de leurs conflits intérieurs. Le réalisateur confie :
"Lors des répétitions réalisées avec mon chef opérateur, j’ai cherché à orienter le jeu des acteurs de manière à faire ressentir au spectateur ce que vivent Marie et Léo : un même problème et une même souffrance mais de manière différente. J’ai aussi souhaité rendre manifeste les failles et la distance qui s’établissent entre eux. D’autre part, j’ai voulu que le travail sur la lumière permette de suggérer la réalité des conflits intérieurs que vivent chacun des personnages. Toutefois, nous ne disposions que de peu de temps pour mettre en place notre dispositif d’éclairage et je craignais que ces contraintes ne rendent ce travail difficile. (...) J’ai aussi voulu suggérer au spectateur la sensation d’isolement de la ferme où se sont installés les deux personnages."
L'instant infini a été tourné en seulement 18 jours. Le réalisateur Douglas Beer a dû hypothéquer sa maison afin de réunir le budget du film qui s'élève à 120.000 Euros. Trois choses ont permis au cinéaste et à son équipe de gagner du temps. Ce dernier se rappelle :
"D’abord, les deux semaines précieuses de répétitions avec les acteurs et le chef opérateur. Ensuite le décor unique évite des déménagements qui, à eux seuls, prennent toujours beaucoup de temps. Enfin l’équipe que j’ai eu la chance de pouvoir réunir, a aussi permis ce petit miracle des 18 jours. Ils ont réalisé un travail surprenant. Avec 18 jours de tournage, nous nous sommes peu “couverts“ comme on dit, en tournant presque le strict minimum. Je craignais aussi qu’effectuer trop de coupes au montage, me raccourcirait considérablement la durée du film. Or, les arguments de mon monteur étaient imparables. Le film dure finalement 90 minutes et je suis pleinement content par le rythme qu’il a su lui imprimer. Ce rythme est en parfaite adéquation avec le sujet du film et l’ambiance que je voulais obtenir."
Julien Rey (chef-monteur de tous les derniers films de Luc Besson) a accepté de s'occuper du montage de L’Instant infini en raison de son petit budget. Le technicien a pensé qu'il aurait le temps de monter le film entre deux périodes de travail sur le blockbuster Valerian mais le temps était trop court et l'interruption du montage a duré 7 mois.
Lors d’une discussion que Marie a avec une cliente sur Internet, elle raconte le terrible accident qui s’est déroulé sous ses yeux, cet "instant" auquel elle pense tout le temps et qui hante son esprit. Douglas Beer a donc choisi ce titre en référence à l’incapacité de Marie de se libérer du souvenir de la mort de sa fille dont elle se sent responsable. "Cette difficulté à faire le deuil est très présente dans le film. Néanmoins, je souhaitais aussi signifier que Marie, lorsqu’elle laisse libre cours à sa sexualité, est prise dans un élan vital. Le plaisir et la douleur, Eros et Thanatos, la vie et la mort, autant de dualités qui forment les véritables enjeux de l’histoire de Marie : elle se donne du plaisir en se masturbant pour oublier, ne serait-ce que quelques instants, le terrible évènement. Il y a une expression française évoque l’orgasme comme une “petite mort“. On peut dire que Marie cherche à prolonger cette “petite mort“ le plus longtemps possible, pour tenter d’oublier", précise le metteur en scène.
L’Instant infini est le premier long-métrage de Douglas Beer, qui confie par rapport à ce changement de format : "Le passage du court au long-métrage est un véritable saut. Je crois qu’il y a peu de choses en commun entre les deux formats, même s’ils contiennent l’un et l’autre les mêmes éléments, une histoire, des acteurs et des techniques de cinéma. Néanmoins, l’écriture d’un scénario de long métrage nécessite une technique différente. Tenir une histoire sur la longueur est un exercice différent. Si la technique d’écriture de scénario est différente entre mon premier long et mes courts-métrages, en revanche, les situations, les thématiques et le genre sont souvent assez semblables. Les situations mettent généralement en scène des proches tels que mari et femme ou père et fille et les thématiques sont souvent liées à la culpabilité, la sexualité et la mort. Enfin, j’emprunte le plus souvent les codes du thriller. Par conséquent, je pense qu’il y a une véritable continuité dans mon travail, en tout cas, jusqu’à présent."