Après les documentaires "Algérie(s), Aliénations", "Des vacances malgré tout", "Le Grand Jeu" et "La Chine est encore loin", Malek Bensmaïl a voulu faire un documentaire abordant les questions de la liberté d’expression. C'est dans cette optique que Contre-Pouvoirs est né, un film qui prend le temps de saisir et d’examiner la pensée, la réflexion et le travail au quotidien des journalistes. Il explique : "On le sait, l’Algérie possède un système politique verrouillé et autoritaire. Paradoxalement, ce même « système » a permis, il y a vingt-cinq ans, l’unique liberté possible, celle de l’expression dans la presse écrite. Ce système a en effet permis la naissance d’une presse dite « indépendante » ou libre dans les années 90."
Le film de Malek Bensmaïl s’intitule Contre-Pouvoirs, la rédaction du journal El Watan s'apparentant à un lieu de résistance au sens d’un contrepoids face à une société bloquée. Le directeur de publication Omar Belhouchet explique :
"Dans les années 1992-98, il fallait dire non au terrorisme, à l’islamisme politique, en prenant, tout naturellement, des risques. Nous n’avons pas été épargnés. Nous sommes restés déterminés, continuant à exercer ce métier dans des conditions épouvantables. En même temps, l’autoritarisme est critiqué sévèrement. Ce n’est pas la solution aux problèmes majeurs qui secouent notre pays. Notre travail consiste à témoigner et décrire cette réalité, extrêmement douloureuse, en dépit de la censure d’Etat et des assassinats de journalistes. Il fallait donner la parole à tous ceux qui prônent une autre voie que celle de la violence ; aux femmes, aux démocrates, aux défenseurs des libertés, des droits de l’homme, à tous ceux qui sont persécutés."
Le choix d’un journal en français n'est pas anodin pour Omar Belhouchet : "Les Algériens s’expriment, dans une très large proportion, en français. Les islamistes ont cherché vainement à réduire le rôle et la place du français dans la société algérienne. Ils ont échoué. Nous sommes près de 11 millions à s’exprimer dans cette langue, c’est une réalité de la société algérienne. Le français est perçu comme un outil de travail, une ouverture à l’autre, au monde, à la modernité. Face au français, la langue arabe est forcée de se remettre en cause, de se moderniser, de s’adapter aux technologies. Le tirage d’El Watan, qui avoisine les 130 000 exemplaires par jour et la consultation très importante de son site, indiquent très clairement que cette langue est très partagée."
Fondé en 1990 par une équipe de journalistes issue d’El Moudjahid, El Watan est le plus grand quotidien algérien et francophone et l’unique journal du pouvoir depuis la guerre d’Algérie. Son patron, Omar Belhouchet, a défendu un agenda démocratique qui a inquiété le régime au pouvoir et les militants islamistes. Malgré deux tentatives d’assassinat, plus d’une centaine de menaces de mort, un nombre incalculable de procès et de condamnations et cinq suspensions du journal, il a réussi à maintenir à flot El Watan et même à le renforcer localement et au niveau international. Omar Belhouchet a reçu la plume d’or de la liberté en 1994, récompense donnée par l’Association Mondiale des Journaux qui honore des journalistes et écrivains exerçant avec courage leur métier dans des conditions difficiles.