Amis des chiens, ce film est pour vous ! Tendrement humoristique, délicatement satirique, mais quelque peu soporifique, « L’île aux chiens » est un conte cynophile qui met le spectateur en empathie vis-à-vis de l’espèce canine. En effet, dans la cité nippone imaginée par W. Anderson (Megasaki), loin d’être traités comme les « meilleurs amis de l’homme », les chiens sont systématiquement persécutés, traqués et déportés par le pouvoir en place, une sorte de dictature ailurophile et caniphobe. Dans l’attente d’une « solution finale de la question canine » (i.e., l’extermination de tous les chiens et leur remplacement par des robots), pour justifier le bannissement des chiens et leur concentration sur une île-dépotoir, les autorités invoquent la surpopulation canine et les risques épidémiques associés (grippe canine). Pour nous faire épouser le point de vue des chiens, W. Anderson ne s’est pas contenté de l’anthropomorphisme habituel consistant à les faire parler et à leur conférer une psychologie proche de la nôtre. Il a eu l’idée très astucieuse de ne pas sous-titrer la plupart des propos tenus pas les humains (qui se trouvent être des Japonais) : de ce fait, à moins d’être japonophone, le spectateur se trouve dans une situation inversée où il comprend directement les chiens, mais où la signification exacte des sons émis par les humains lui est aussi opaque que celle de jappements ou d’aboiements ! Par ailleurs, la « société » canine (mœurs, statuts, rôles, etc.) nous est rendue familière, sympathique, par sa proximité avec la nôtre, alors que les humains de Megasaki, du moins ceux qui remplissent les meetings du maire de la ville (Kobayashi), ne forment qu’une masse amorphe de moutons conditionnés, applaudissant avec une promptitude comparable à celle de chiens dressés qui lèveraient la patte sur ordre de leur maître ! Sur le plan visuel, le film est une réussite : les animations et les décors sont extrêmement soignés ; et Anderson s’amuse plaisamment avec les codes et les clichés du dessin animé. En revanche, l’inévitable marche vers un heureux dénouement se fait à la faveur d’une série peu palpitante de péripéties et d’actes héroïques (ceux du neveu de Kobayashi, ceux d’une étudiante-activiste américaine, et ceux des chiens entrés en résistance !). De quoi découle donc le charme qui nous a fait tenir sans trop de bâillements jusqu’à la fin du film ? Sans doute de cette sensibilité si tendrement fantasque qui est le propre de W. Anderson.