Cofondatrice et directrice de la création de Cartoon Saloon, Nora Twomey supervise le développement de l’ensemble des projets de la société, comme Puffin Rock, série jeunesse diffusée par Netflix, avec Chris O’Dowd pour narrateur. Elle a réalisé les courts métrages From Darkness et Cuilin Dualach (Backwards Boy), plusieurs fois primés, et coréalisé le long métrage d’animation Brendan et le secret de Kells, nommé aux Oscars. Elle a ensuite supervisé l’écriture du deuxième long métrage de la société, Le Chant de la mer, également nommé pour l’Oscar du meilleur film d’animation. Adaptation du best-seller jeunesse de Deborah Ellis, Parvana est son premier long métrage réalisé en solo. Anita Doron en a signé le scénario et Angelina Jolie figure parmi les producteurs délégués du film. La première du film s’est tenue au Festival international du film de Toronto en septembre 2017, avant sa sortie aux États-Unis et au Canada à l’automne suivant.
Tous les personnages du film sont doublés en français par des comédiens iraniens et afghans vivant en exil en France, comme Golshifteh Farahani, qui prête sa voix à Parvana.
La place centrale de l’Afghanistan au coeur du continent asiatique en fait un carrefour culturel stratégique et convoité. Point de passage capital pour les caravanes de la Route de la Soie, le pays bénéficia de l’influence de nombreux peuples, parmi lesquels les Turcs, les Perses, les Indiens, les Moghols et les Grecs, ce qui donna naissance à une culture très riche. Malheureusement, sa position en fit également une proie de choix pour de nombreux conquérants tels que Gengis Khan, Alexandre le Grand, les Afsharides Perses… L’Afghanistan devient un pays indépendant en 1747 après la dislocation de l’Empire Perse. Rongé par des dissensions internes, le pays connaît de longues périodes d’instabilité dont les Britanniques profitent pour s’emparer de l’Afghanistan (le conquérir) en 1842. En 1919, l’Afghanistan se soustrait à l’influence britannique et déclare la guerre au Royaume-Uni. Cette guerre d’indépendance se solde par la signature d’un traité de paix en août 1919. Toutefois l’instabilité demeure en Afghanistan.
Parvana est tiré du roman écrit par Deborah Ellis : "La fable elle qui entrecoupe le récit a été ajoutée par la coscénariste de Deborah, Anita Doron. Dans le roman, le père passe beaucoup de temps à raconter à Parvana l’histoire et la culture afghanes, quand les Talibans font tout pour effacer ce passé. Mais il existe beaucoup d’Afghans qui protègent l’héritage de ce qui fut longtemps une plaque tournante culturelle. Anita a étudié le folklore du pays pour y trouver un conte à la portée universelle. L’aventure de Souleymane, ce jeune héros qui doit relever trois défis, est une manière pour Parvana de se connecter avec un être disparu, d’interpréter et de transmettre avec douceur une tragédie vécue. Quand on développait le film, on a beaucoup échangé avec des Afghans qui avaient du mal à exprimer leur douleur, à mettre des mots sur des événements qui les avaient marqués. Cette difficulté, voire cette impossibilité de communiquer les empêche d’avancer et de vivre normalement. Parvana, elle, articule son émotion autour de ce drame dont elle fait une métaphore. C’est cela aussi, notre film : il met en avant le pouvoir de la parole", souligne la réalisatrice Nora Twomey.
La cinéaste Nora Twomey évoque la bande-originale de Parvana : "L’été dernier, nous sommes allés à Kaboul enregistrer un choeur de femmes afghanes. Ces jeunes filles qui chantent ensemble rappellent que malgré tout, elles continuent d’étudier et de se battre pour exister. Des tas de femmes, parties sous le régime des Talibans, sont revenues pour transmettre leur savoir et leur talent afin que les futures générations aient plus d’opportunités. Dans le film, on a placé le choeur de ces Afghanes dans chaque scène porteuse d’espoir."
À travers l’histoire de Parvana, Nora Twomey aborde frontalement la tragédie du joug taliban, ce qui est très audacieux pour un film qui s’adresse, entre autres, au jeune public. "À travers les journaux télévisés, les flashs infos à la radio ou même les discussions autour d’eux, les enfants sont exposés en permanence aux tragédies mondiales. Et les adultes ne doivent pas occulter ou masquer cette réalité, ni ériger une barrière pour les protéger et qui, au bout du compte, ne fera que les effrayer encore plus. Famille, enseignants, proches doivent encourager le débat avec eux sur ces sujets auxquels ils finiront forcément par être confrontés. Ainsi, le jour venu, ils sauront mieux gérer et appréhender toute cette horreur. Petite, la radio m’informait des attentats en Irlande du Nord. J’en parlais aussitôt avec mes parents qui n’avaient de cesse de m’expliquer les tenants et aboutissants de ce conflit à travers leur histoire, leur vécu, et ceux de mes grands-parents. Comprendre un conflit et ce qu’il engendre évite d’avoir des opinions hâtives et toutes faites. Et pour en revenir à Parvana, ce qui se passe en Afghanistan est si complexe… Encore aujourd’hui, les Afghans ignorent leurs perspectives d’avenir. Le film explore cette complexité, en posant un certain nombre de questions sans pour autant apporter de réponses", analyse la réalisatrice.
Angelina Jolie occupe le poste de productrice déléguée dans Parvana : "C’est nous qui l’avons approchée. Elle connaissait notre travail, avait vu Brendan, le secret de Kells et Le Chant de la mer… Le sujet la touchait forcément - elle qui a créé une école de filles à Kaboul où elle se rend souvent, qui demeure une ambassadrice très active des Nations Unies, qui a une expérience unique à propos des personnes victimes de conflits politiques. Son soutien a été primordial et elle a suivi le développement de très près, aidant même à résoudre des problèmes techniques car, également réalisatrice, elle comprend les limites créatives dues à un financement modeste et sait comment tirer le meilleur de nos capacités", confie Nora Twomey.
Nora Twomey parle de son approche concernant l'esthétique de son film : "Parvana, une enfance en Afghanistan devait reproduire une réalité à laquelle nous n’avions pas accès – à moins d’avoir une machine à remonter le temps ! Heureusement, nous avons eu très tôt l’apport de Daby Zainab Faidhi qui a dessiné les décors. Il savait à quoi Kaboul ressemblait à la fin des années 1990. On s’est également nourri de témoignages, essentiels pour savoir comment un homme se déplaçait dans un marché, sa gestuelle, appréhender l’aspect lumineux d’une matinée, comment cette lumière traverse la poussière – laquelle se dépose sur absolument tout à Kaboul… Quand on vous donne autant de détails, l’aspect du film se dessine naturellement. Je tenais à un look authentique, que Kaboul soit belle mais vraie, et à tout construire autour du visage de Parvana, qu’on voit dans ses yeux une multitude de pensées se bousculer, peser le pour et le contre, cogiter en permanence. Tout part de son point de vue, de son esprit. À l’arrivée, le look du film est une synthèse de quantité de réunions, de concertations, d’impasses également. Cela demande de réunir beaucoup de talents et de faire preuve de persévérance pour que l’esthétique dépende du fond et non l’inverse."