Affublé d’une titre navrant (encore merci aux distributeurs français qui sont décidément d’une régularité parfaite en la matière !), « La Voie de la Justice » est la transcription à l’écran de l’histoire de l’avocat américain Bryan Stevenson, qui a dédié sa carrière à la défense des condamnés à mort, à travers de sa première affaire, l’affaire MacMillian au début des années 90. C’est donc une histoire tristement vraie que dépeint le film et c’est important de le souligner d’entrée de jeu tant ce qui est montré à l’écran est édifiant, et je pèse mes mots. La réalisation de Destin Daniel Cretton est sobre, d’une certaine manière elle s’efface derrière l’importance de son sujet et on peut penser que ce n’est pas plus mal. Pas d’effets de caméras flamboyants, pas de flash back venant interrompre la narration, pas de plans séquences interminables ni de contre champs de folie, ici on est dans la sobriété. La musique n’est pas omniprésente (merci…) et quand elle est utilisée elle trouve une justification dans le scénario. En fait, c’est comme si Destin Daniel Cretton avait voulu faire le film le plus neutre possible dans sa forme, histoire de mieux monter le fond, qui lui est tout sauf neutre. Le casting est dominé par la composition d’une part de Jamie Foxx et d’autre part de Michael B Jordan. Le premier incarne parfaitement bien Walter MacMillian, un homme brisé par un système judiciaire qui l’a broyé et qui, au fil des minutes qui passent, relève la tête et reprend espoir, presque malgré lui. Le second, on aurait pu craindre qu’il soit un peu écrasé par Jamie Foxx mais en fait non. Son personnage prends une vraie épaisseur dramatique et on le sens, lui aussi au fil des minutes, de plus en plus opiniâtre, de plus en plus hargneux, de plus en plus en colère aussi. Cette colère rentrée, froide, qui le fait encore avancer lorsque tout parait perdu, on peut la lire dans les yeux de Michael B Jordan. En creux, le scénario dessine aussi des seconds rôles plus intéressants qu’on aurait pu le croire de prime abord, celui du procureur d’abord, piégé, disons-le, par le racisme de son électorat et de sa police. Et puis ce jeune gardien de prison, dont on sent les convictions vaciller sans que jamais une parole ne vienne le confirmer, juste dans le regard et dans les gestes. Le scénario de « la Voie de la Justice » n’est pas très compliqué ni à résumer, ni à suivre, on ne met pas longtemps à comprendre comment Walther MacMillian en est arrivé dans le couloir de la mort alors qu’il a un alibi en béton,
aucune preuve matérielle contre lui et absolument aucun. Qui a tué cette jeune fille innocente de18 ans ? A vrai dire tout le monde s’en fiche pourvu qu’on ait un noir à amener jusqu’à la chaise électrique. Pour ce faire, tous les moyens sont bons et il suffit d’un seul témoignage à charge. Comme ça tout le monde est content, le procureur et son sheriff seront réélus.
Faire réviser un procès dans ce contexte est une gageure. Le scénario ne fait pas dans la dentelle, c’est sur. Tout ce qu’on pouvait attendre du film nous est apporté sur un plateau : le shérif honteusement raciste, les petites vexations, les menaces,… C’est binaire, c’est manichéen, c’est sans grande nuance, c’est tout ce que vous voulez… Mais c’est la réalité du racisme institutionnalisé du Sud des Etats-Unis qui est caricaturale, il suffit de regarder les news. Le cinéma fera des films militants tant que la question raciale ne sera pas réglée aux Etats-Unis. « La voie de la Justice » est un film militant, contre la peine de mort, contre le racisme institutionnel. Pour ce faire, il frappe fort, il n’a pas d’autre choix. Ca ne me pose pas spécialement de problème, le film n’avance pas masqué et il dépeint sans phare une réalité bien tangible. Alors acceptons « La Voie de la Justice » dans sa globalité, fermons les yeux sur ses petits défauts, sur sa durée un tout petit peu trop longue, sur son manque de nuance, l’importance de son sujet le vaut largement.