Ira Sachs voit la genèse de ce projet comme à mettre en parallèle avec le fait qu'il s'intéresse, tout comme son co-scénariste Mauricio Zacharias, aux questions de générations. Le cinéaste est lui-même père de deux enfants de quatre ans. Il explique :
"Je réfléchis beaucoup à notre relation, à ce qu’ils sont, à ce que ça signifie d’être père. Je voulais faire un film sur l’enfance, mais depuis la perspective d’un adulte. En tant que dramaturge, je crois en ces petits moments qui peuvent tout changer. Les décisions ordinaires et les défis occasionnels qu’apporte la vie peuvent avoir des échos très forts non seulement pour nous, mais également pour ceux que l’on aime. Les parents se retrouvent parfois dans des circonstances où il est difficile de rester fidèle aux valeurs que l’on souhaite inculquer à ses enfants. C’est dans cette banalité du quotidien que l’on est véritablement testé. On a tous nos croyances et nos principes, et puis la réalité s’en mêle. Comment prend-on des décisions dans ces situations ?"
Après Love is Strange et Keep the Lights On, le metteur en scène Ira Sachs collabore pour la troisième fois avec le scénariste Mauricio Zacharias. Comme ils en ont l'habitude, avec Brooklyn Village les deux hommes ont commencé par regarder des films pour trouver de l'inspiration dans leur processus d'écriture : Et pourtant nous sommes nés et Bonjour (son remake), deux longs métrages de Yasujirô Ozu. Sachs note :
"Tous deux sont des films sur des enfants qui, pour des raisons différentes se mettent en grève contre leurs parents. Cela nous a donné notre noyau dur : deux garçons en conflit avec leurs parents qui décident de ne plus jamais parler avec eux."
Pendant l'écriture, Mauricio Zacharias était en contact régulier avec sa famille qui traversait une période difficile au Brésil. Son père, propriétaire d’une boutique de vente au détail qu’il a louée pendant des années, a eu un problème avec le responsable du magasin qui a conduit à l'éviction de ce dernier. Le scénariste confie :
"C’était une situation intéressante, car c’était aussi douloureux pour nous que pour les gens qui louaient la boutique. A chaque fois que je croisais Ira, j’avais parlé avec ma famille. Le noeud dramatique était évident pour nous, la ligne ténue entre qui était coupable et qui ne l’était pas. Il y avait une histoire à raconter"
"Brian vient de perdre son père en lui laissant une situation délicate, et il essaye tant bien que mal d’être un bon père, un exemple pour son fils. Ça peut arriver à tout un chacun : essayer de faire les choses pour le mieux, et se retrouver confronter à ses propres principes de vie. Ira a ce talent unique de faire résonner ces histoires banales en chacun d’entre nous."
Ira Sachs et Mauricio Zacharias ont cherché à capturer le bonheur d’être un enfant à New York, ce qui comporte un degré de liberté important : "Les aventures qui naissent de prendre seul le métro, retrouver les autres enfants dans les parcs du quartier", note le premier. Le metteur en scène a ainsi choisi comme cadre spatial un coin de Brooklyn qui connait un phénomène de gentrification (embourgeoisement urbain) depuis une dizaine d’années. "Ces quartiers mixtes sont l’une des choses merveilleuses de New York. Dans un rayon d’un bloc, vous avez une famille italienne qui côtoie une famille portoricaine et une famille asiatique. Mais on est également collés les uns aux autres", explique-t-il.