"Que Viva Mexico!" est une oeuvre malade. Malade car incomplète et dont le montage n'a pas été finalisé par Einsenstein. En cela, et malgré tout les efforts d'Aleksandrov, le long-métrage se révèle inabouti. Toutefois cet état de fait n'est pas uniquement dû à l'évidence que Aleksandrov n'est pas Eisenstein, mais cela n'est qu'une partie du problème.
En effet, bien que le film ne soit jamais complètement inintéressant, reste que certaines parties auraient gagné à être plus succincte. L'intention du cinéaste de parvenir à une oeuvre qui se perd entre fiction et documentaire est louable, mais donne lieu à de trop nombreux moments de flottements. Je comprend ce que Eisenstein cherche à montrer du Mexique, de sa culture, de son histoire, tout en en captant les instants de vie, à l'image de la première partie. Mais le tout manque de rythme, le montage peine vraiment à faire ressentir cette situation d'urgence dans la dernière partie pourtant similaire à celle du "Cuirassé Potemkine". Cependant, et malgré que le maitre ne soit pas à l'oeuvre, le montage du film fascine dans ce qu'il arrive à transmettre terme d'émotion, comme cette magnifique scène où un couple, dissimulé par des branches, s'embrasse avant d'être coupé par la nature, semblant répondre à la démonstration de leur amour, mais aussi, et c'est là que la frustration intervient, lorsqu'il montre la naissance de la révolte dans les yeux des personnages après un trop plein d'injustices.
Et en effet, cet élément fait intervenir une grande frustration, non par car il est mal mis en oeuvre mais simplement car il ne trouve aucun aboutissement. Et c'est un peu tout le problème de "Que Viva Mexico!", le récit ne mène nulle part à cause de l'aspect incomplet de l'oeuvre. Cela déçoit grandement, car dans toute la première moitié, je comprend, encore une fois, ce que veux montrer Eisenstein du Mexique avec toutes ces petites saynètes. Malheureusement le récit majeur, celui du groupe révolutionnaire, n'aboutira finalement jamais, et c'est tout le reste de l'oeuvre qui en souffre. Le long-métrage peut ainsi sembler bien vain.
Il est aussi important de noter la voix-off du long-métrage, qui certes s'inscrit dans cette volonté d'hybridation entre documentaire et fiction mais, qui ne se révèle que très rarement pertinente et bien trop souvent envahissante.
Toutefois, il y a quelque chose qu'on ne peut pas enlever à Eisenstein, ni au film d'ailleurs, c'est d'être un fin plasticien, et "Que Viva Mexico!" le prouve encore une fois.
Le film est tout simplement magnifique, la photographie est sublime et les cadres stupéfiants de beauté. De plus le cinéaste opère un travail formel remarquable, la mise en scène est innovation folle et trouve son point d'orgue lors de la scène de corrida.
En définitive "Que Viva Mexico!" est une oeuvre bancale, son montage, sa vision du Mexique et sa mise en scène en font un film fascinant. Mais le long-métrage est malheureusement inabouti sur de nombreux points : le rythme manque d'urgence, la narration est maladroite et globalement le récit provoque une très grande frustration. Reste une oeuvre formellement très maitrisé, aux instants de grâce incroyables.