D’emblée, un questionnement saisit le spectateur : où sommes-nous ? de quoi s’agit-il ?pourquoi les personnages s’agitent-ils ? Ce questionnement ne nous quittera pas tout le long du film, s’aggravant même face aux non-réponses du scénario. Scénario, vous avez dit scénario ? Collages surréalistes de séquences inexpliquées, voire inexplicables, l’histoire déjà ténue ne cesse de se défaire pour tendre vers ce néant absolu que figure le trou noir de la prétention intellectuelle.
Magma invraisemblable qui mélange pêle-mêle les références à la PMA, à la sexualité qui se sublime dans la permaculture, confusionne le Dr Freud avec le Dr Frankenstein, associe puériculture et violence, godemichet et chiens perdus dans l’espace, etc : tout un bazard hétéroclite dont on cherche vainement le sens. Claire Denis serait-elle une adepte de l’écriture automatique, à faire se rencontrer sur une table de vivisection un parapluie et une machine à coudre. Mais n’est pas Lautréamont qui veut, et encore moins Kubrick ou Tarkowski, qui doivent se retourner dans leur tombe à se voir invoqués par les critiques parisiano-intello-inrocko-cahierscinefilo qui crient au chef-d’œuvre pour ce nanar fait de trois bouts de ficelle et d’un morceau de carton-pâte.
La première séquence est à ce titre assez édifiante. On y voit Pattinson vêtu d’une combinaison d’astronaute en train de visser rapidement un boulon sur la paroi de son astronef dans l’espace sidéral, puis perdre son outil qui « tombe » littéralement dans l’infini. Quand on sait qu’il faut quasiment cinq minutes à David Bowman dans 2001 pour faire faire un quart de tour à une manette, et qu’un objet dans le vide flotte et ne tombe pas, on se demande où se niche la vraisemblance scientifique. Et tout est à l’avenant : des combinaisons spatiales dont les gants se vissent comme des couvercles de confiture et les casques qui se posent sur la tête comme des chapeaux d’apiculteurs, un décor constitué d’une cuisine achetée à Conforama, d'une échelle fixée au mur d’un immeuble décrépi, et d'un matelas probablement récupéré chez Emmaüs. Quant à l’astronef, il s’agit certainement d’une boîte de chaussure peinte à la hâte par une écolière en CM1. Bien sûr, me dira-t-on, là n’est pas le propos du film, à chercher une quelconque véracité technologique ou scientifique (ah le trou noir censé renvoyer son énergie vers la terre au contact de l’astronef alors que l’on sait que sa nature est absorbante et non réfléchissante !), et qu’il s’agit de métaphysique plutôt que de physique, de lyrisme plutôt que de mélodrame, de poésie plutôt que de trivialité, de philosophie plutôt que de réflexions de comptoir. Ou alors l’inverse, je ne sais plus, quand le quoi se confond avec le n’importe quoi.
Ce film, minimaliste à l’extrême, ambiguë dans son propos, ridicule dans sa forme, prétentieux dans ses interrogations a ceci de vrai qu’il s’absorbe entièrement dans le trou noir de sa nullité.