Mutafukaz de Guillaume "Run" Renard est à l'origine de ce que la bande-dessinée française et le roman graphique a de moins codé avec le "Label 619" d'Ankama. Un court métrage en 2002, Operation blackhead qui se retrouve au Sundance Film Festival de Salt Lake City pose les bases de l'univers que Run développera à partir de 2006 avec une série de 5 tomes.
12 ans plus tard et après bien des péripéties, l'auteur/dessinateur voit le long métrage sortir enfin dans les salles de cinéma.
Alors à nous Dark Meat City, DMC pour les intimes, à nous Angelino et Vinz, les deux rois du "profil bas" dans le quartier craignos de Rios Rosas.
Bien que réduit et condensé, Mutafukaz le film est une réussite graphique indéniable, un petit bijou d'animation sanglante pour adultes, porté par l'association entre Ankama et le studio Japonais 4°C à qui l'on doit le manichéen mais superbe Amer Béton.
Pas de surprises pour les lecteurs des BD qui seront en terrain conquis pour apprécier les séquences d'actions millimétrées au milieu de cette mégalopole fantasmée, espèce de Sodome West Coast crasseuse bercée par le son des drive-by. Les scènes à la violence graphique presque banales, grisantes sous les instrumentations de The Toxic Avenger, prennent une dimension à la fois sordide et drôle grâce aux personnages stylisés qui s'y affrontent. Des tueurs à gages froids aux chefs de gangs en représentation shakespearienne, Run profite pleinement du détachement possible grâce à l'animation pour garder la même rage qui transparaissait déjà sur le papier. Avec un humour jamais bien loin, la forme est donc le grand gagnant de cette transposition animée qui réussit à couper très justement dans la longueur des 5 tomes.
Mais...
Car oui, même si j'ai vraiment envie de vous inviter à aller mettre les pieds à DMC, il y a un "mais", le même "mais" qui se ressentait déjà sur les planches. Malgré un univers riche emprunté au continent américain et une histoire d'invasion extra-terrestre sous le manteau qui nous ramène aux problèmes actuels de notre bonne vieille terre, l'histoire de nos deux héros souffre à mon sens d'un manque de perspectives. Le scénario reste très simple et sans véritables surprises. Si la bande dessinée se perdait parfois dans les méandres d'indications un peu poussives, cet effet de meubler les choses se retrouve à moindre mesure dans le film, sauvé par la nécessité de concentrer l'intrigue pour ne pas perdre le spectateur. Ainsi, malgré leur capital sympathie intact, nos amis luchadores paraissent sortis de nulle part au milieu de bonhommes plus que secondaires dont on ne saura finalement que peu de choses derrières leurs apparences aguicheuses. Angelino et Vinz sont les seuls et vrais héros, un poil plombés par les voix d'Orelsan et Gringe, bien trop identifiable pour finalement se fondre dans leurs personnages.
Bon, ok, ça fait plusieurs "mais", mais au final, tous ces "mais" arrivent presque à s'équilibrer avec l'animation qui vaut à elle seule le détour.
Mutafukaz est à l'image de son support original, imparfait, inégal, mais terriblement attachant. Le film transpire l'envie et l'amour de Run, son créateur qui possède un sens indéniable de l'image et de la mise en scène. Roulez jeunesse et suivez la musique du camion de glace.