C’est un beau film que nous offre là, Léa Pool, réalisatrice québécoise, qui a posé sa caméra dans un couvent de religieuses, qui est aussi pensionnat de jeunes filles où la musique et le chant ont remplacé en partie, prières et génuflexions…Simone Beaulieu, Mère Augustine est la mère supérieure de ce petit couvent , situé au bord de la rivière Richelieu, l’un des affluents du Saint Laurent…nous sommes dans les années soixante et la vie du couvent va être confrontée à deux événements historiques, le concile Vatican 2 et la révolution tranquille quand le Québec jette aux orties la grande noirceur, cette longue période de son histoire où l’église disciplinait les corps et les esprits et tenait fermement l’éducation, la santé et les services sociaux. On ne sait pas comment Simone Beaulieu a pris le voile, mais on devine qu’elle a du être une grande concertiste, et qu’elle a pu connaitre une fêlure sentimentale. Comme supérieure, elle met toute son ardeur et son talent de musicienne au service de ses élèves, ce zèle irritant fortement la générale de sa congrégation qui cherche à la remettre au pas. Dans ce contexte historique un autre événement va venir bouleverser la vie du couvent, l’arrivée d’Alice sa nièce que lui confie sa sœur, adolescente au tempérament rebelle mais qui fait montre d’un véritable talent pour le piano… Nous vivons le dernier hiver de ce couvent, au milieu d’un paysage enneigé avec le contraste de ces sœurs qui patinent en robe noire sur le fond blanc du fleuve gelé….nous assistons aux premiers bouleversements du concile…ce vieux prêtre qui préfère prendre sa retraite que d’abandonner le latin et la célébration dos aux fidèles…dans une longue scène magnifique et bouleversante, on voit ces sœurs l’une après l’autre défaire leur voile, libérer leurs cheveux, se libérer de leurs lourds oripeaux, un peu désemparées dans leur nouvelle tenue, mal à l'aise dans ce nouveau corps livré aux regards de la société…il y a aussi de purs moments d’humour, comme cette sœur qui interroge sa consœur sur les vêtements de l’intime, en fait les sous vêtements, pour déclarer innocemment qu’elle ne portait pas de culotte !!! Il y a ces flots de gammes, d’arpèges, les préludes de Chopin, les fugues de Bach, qui donne à la vie de ce couvent, une fantaisie bien loin de l’austérité et de la rigidité personnalisées par la générale de l’ordre…Il y a Alice qui nous offre de grands moments musicaux…prenant parfois quelque liberté d’improviser…Il y a ces belles images de nature, et cette fin d’hiver où la débâcle des glaces laisse entrevoir des prairies qui reverdissent, symbole du passage d’une société ténébreuse à la modernité…ce film classique par sa forme, n’oublie pas d’être drôle par moments…et les actrices sont magnifiques, et notamment Céline Bonnier qui joue Augustine….et Lysandre Ménard qui joue Alice, la bande son est une pure merveille…C’est différent d’Ida ou les Innocentes qui eux aussi visitent la vie monastique, cela pourrait faire penser aux Choristes…c’est un film délicat et bouleversant …j’ai beaucoup aimé.