Julien Seri, réalisateur de ce film "de tension" indépendant, n’est pas étranger au monde de la testostérone. Rêvant d’une carrière dans les arts martiaux, c’est finalement au cours d’une compétition sportive où il officiait en tant que cadreur qu’il a eu envie de devenir réalisateur. Après avoir dirigé les Yamakasi dans les deux premiers films qui leur sont consacrés et après avoir fait de Clovis Cornillac un pratiquant enragé du free fight dans Scorpion, le voilà aux commandes d’une course-poursuite en plein Paris avec Night Fare.
C’est après une longue période de projets avortés que Julien Seri revient à la réalisation. Après la sortie de Scorpion en 2007, le réalisateur a vu six de ses projets ne pas se concrétiser pour cause de manque de financements, ou passer dans les mains d’un autre, à l’instar du RTT finalement réalisé par Frédéric Berthe. Découragé, il a fait part de son envie de quitter le cinéma à son ami de longue date Pascal Sid. Celui-ci lui proposa en retour le projet Night Fare, qui s'est écrit puis réalisé en à peine trois mois : "J'aimais l'idée d'un tournage rapide et léger", dit t-il, en poursuivant "Un film sur lequel je n'avais plus rien à perdre, mais au contraire, tout à gagner".
Fort de trois longs-métrages, 10 courts-métrages et plus de 400 publicités, Julien Seri a réuni autour de lui et de ses deux co-producteurs une équipe habituée au cinéma dit de genre : le superviseur des cascades Olivier Schneider s’est notamment occupé de Fast & Furious 6, le compositeur Alex Cortés a composé pour Pascal Laugier et son Martyrs, la comédienne Fanny Valette a escaladé les monts du Vertige… Alors que certains ont investi de leur argent en co-production, d’autres (Matthieu Kassovitz, Jan Kounen…) ont signifié leur soutien au projet par un mot et une signature visibles sur la page Facebook du film.
Après avoir réuni une somme permettant le début du tournage, le réalisateur a fait néanmoins appel aux dons des particuliers via la plate-forme de financement participatif Ulule. L’appel, plutôt unique dans le cinéma français, s’est fait pour plusieurs raisons. La première fut de pouvoir tourner davantage de cascades initialement coupées du plan de tournage. La seconde a mis en relation l’équipe et les spectateurs, autant par les récompenses offertes en fonction de chaque participant qu'au travers d'une page régulièrement alimentée en informations sur le tournage.
Enfin, l’existence d’un film en grande partie produit par le public a pu servir de modèle auprès de ceux qui se montrent actuellement frileux à l’idée produire le cinéma de genre : "Si Night Fare fonctionne, on pourra aller voir les guichets de financement sélectifs en leur disant : "voilà ce qu'on peut faire sans vous. Imaginez ce qu'on peut faire avec vous"", imagine Julien Seri. Au final, l'appel au don a rapporté plus qu'espéré (plus de 50 000 euros) fin septembre 2014 grâce à plus de 700 contributeurs, ramenant le budget total à moins d’un million d’euros.
Le choix de Jonathan Howard, comédien britannique ayant joué dans Thor : Le Monde des Ténèbres, n’est pas dû au hasard. Au-delà des qualités de l’acteur, l’apport d’un personnage s’exprimant dans la langue de Shakespeare a permis d’ouvrir le film à l’international et de jouer sur les oppositions entre les personnages de Luc (français) et de Chris (anglais).
Vétéran de la publicité, Julien Seri a confié "privilégier ce qui est spontané" à l’économie confortable de la réclame. "J’aime tourner vite", explique-t-il, en poursuivant : "capturer la perfection du geste spontané, jouer avec la technique plutôt que d’être sous sa contrainte." Avec Night Fare, le cinéaste et son équipe ont tourné le film en trois semaines avec une économie extrêmement réduite. Une expérience qui a en retour influencé ses propres envies futures : "Aujourd'hui j’ai envie de faire des pubs plus "impressionnistes" moins sophistiquées, plus proches de ce que je suis."
Le tournage s’est étalé sur trois semaines dans la communauté de Saint-Quentin-en-Yvelines en Ile-De-France. Une ville que Paul Mignot, co-producteur du film, connait bien pour y avoir grandi. Profitant de l’éclairage nocturne offert par la ville, l’équipe s'est servie à 80% de lampes torches pour donner une patine visuelle singulière.
Entrevue comme "l’armure du driver" par son réalisateur, la voiture qui pourchasse le trio principal est une Chrysler 300 C noire.
Night Fare a été sélectionné à la huitième édition du festival européen du film fantastique de Strasbourg et a été diffusé durant le 48ème festival de Sitges. Plus récemment, il a obtenu le prix du meilleur film au Mile High Horror Film Festival de Denver.
Si le trio d'acteurs pris en chasse se partage le plus de dialogues, il a été décidé de donner une place particulière au driver mutique et meurtrier. Plus qu’un assassin froid, le personnage fut pour Julien Seri "le vrai héros du film". Dans sa quête de vengeance, il a été pensé comme un super-héros dangereux porteur d’un "vrai sens de la justice" et "de certaines valeurs qui n’ont plus cours aujourd’hui". Il est incarné par le champion de MMA Jess Liaudin, qui a contacté le premier le réalisateur pour lui parler de son envie d’arrêter le sport au profit du cinéma. Des années plus tard, le voici incarnant un dangereux chauffeur de taxi.
Initialement, Night Fare était fin prêt à sortir le 4 Novembre 2015. Après avoir constaté que la fin d'année, chargée en sorties aux combinaisons de salles imposantes, ne laissera pas la possibilité au film d'être exploité sur suffisamment d'écrans, Julien Seri et son équipe ont pris la décision de décaler la sortie au 4 Janvier 2016. Une décision qui évite à ce long-métrage d'action de recourir à la case e-cinéma ("il n'en est qu'à ses balbutiements", précise le réalisateur par rapport à cette méthode).