Le désir de consacrer un documentaire à François Cavanna, fondateur des journaux Charlie Hebdo et Hara Kiri, est la résultante d'une expérience faite par le réalisateur Denis Robert sur des étudiants d'écoles et de journalisme et d'instituts audiovisuels. A sa grande surprise, seule une petite part de la jeune génération connaissait ce personnage emblématique de la presse satirique. Pour les autres, ce nom n'évoquait rien et certains le confondaient même avec l'humoriste Anthony Kavanagh. Denis Robert a donc conçu son documentaire comme une nécessité pour pallier l'ignorance de certaines personnes sur celui qui pourrait être l'étendard de la phrase désormais célèbre "Je suis Charlie".
Le réalisateur du documentaire, Denis Robert, est l'un des grands noms du journalisme français, notamment quant à son investissement rigoureux dans son enquête sur l'affaire Clearstream, que la Cour de Cassation a reconnu comme servant l'intérêt général. Outre Clearstream, le journaliste a également signé plusieurs documentaires produits grâce à sa société de production Citizen Films qu'il a fondée avec sa fille Nina, en 2011. Après le documentaire "Les Munch, soudés à jamais" diffusé sur France 3 en 2013, c'est la deuxième fois que père et fille travaillent de concert sur un documentaire.
Disparu en janvier 2014, François Cavanna ne comptait que deux amis à la fin de sa vie, de son propre aveu : Delfeil de Ton et Wolinski. Si le témoignage du premier a pu être enregistré pour le documentaire, celui du second fut continuellement repoussé si bien que Denis Robert ne put fixer un entretien avec lui qu'en janvier dernier. Il projetait dans le même temps de rencontrer les caricaturistes Charb et Tignous espérant ainsi réconcilier tout le monde. Malheureusement, les attentats perpétrés à la rédaction de Charlie Hebdo ont stoppé net ces projets.
Le tournage du documentaire a duré un an et demi, plus précisément de décembre 2010 à juin 2012. Denis Robert a pris son temps pour filmer le célèbre satiriste pendant de longs mois et a donné à son film un rythme tout en douceur en rapport avec l'état d'esprit de ce dernier à la fin de sa vie. Il déclare ceci : "J'ai toujours pensé que le film devait avoir un rythme doux et lent. Un peu comme lui sur la fin. Il nous fallait du temps pour raconter le vrai roman de Cavanna. Je n'imaginais pas un film sur lui - compte tenu de la matière de nos entretiens - de moins de 90 minutes."
Denis Robert a eu du mal à trouver des soutiens pour son film. Aucune chaîne et aucune émission de télévision ne se sont montrées intéressées par le projet. En cause, l'âge de François Cavanna et son indécrottable mauvaise humeur. Le documentaire a finalement pu être produit grâce à la société de production Citizen Films que le réalisateur venait de créer avec sa fille, Nina. Au fur et à mesure que le projet avançait, d'autres personnes ont néanmoins montré leur enthousiasme à l'image de Rezo Films et Jean-Michel Rey qui ont décidé de le distribuer ainsi que Bertrand Faivre du Bureau qui s'est porté coproducteur.
Le souhait de Denis Robert quant à la réception de son film est le suivant : "J'aimerais qu'il devienne un objet de réflexion, de débat, de connaissance et de combat. Un putain de film qui émeut et pousse à prendre les stylos, la parole et les chemins de traverse."
Mélangeant archives et conversations intimes, le documentaire de Denis Robert entrelace les témoignages de plusieurs personnes ayant eu un lien particulier avec François Cavanna. En tout et pour tout, le nombre de témoins dans le film est limité à dix personnes. Denis Robert les évoque : "J'en ai choisi dix. Un casting à ma manière. Quelques mohicans, des taiseux fuyant les caméras, Delfeil de Ton, Siné, Willem, un ami paléontologue Pascal Tassy, Virginie Vernay qui a partagé sa vie les vingt dernières années, Jean Jean l'ami de Nogent et des années Ritals, Pacôme Thillement le philosophe bête et méchant, Jean Marie Laclavetine son éditeur, Sylvie Caster chroniqueuse émérite dans cet univers très masculin et Arnaud Baumann, le photographe, le témoin précieux et fidèle de ces années-là."