Blind Sun est le premier long métrage de Joyce A. Nashawati, qui a par le passé réalisé trois courts métrages. La réalisatrice voit ses quatre films comme étant tous baignés par ce qu'elle appelle "l’inquiétante étrangeté", soit un sentiment de malaise qui provient de l’incertitude et qui crée un suspens diffus.
Le film a été tourné en Grèce, où Joyce A. Nashawati a vécu. Le pays est une inspiration esthétique pour la cinéaste car le temps y est très sec et les forêts brûlent fréquemment. Sa première impulsion pour Blind Sun vient d'ailleurs de quelque chose qu'elle a vécu alors qu'elle était en vacances dans ce pays : un incendie de forêt qui était si proche d'elle que des cendres se posaient sur la plage où elle se trouvait. Le ciel était rouge et il y avait un contraste saisissant entre ce décor de vacances et un sentiment de fin du monde.
Blind Sun est un film d'atmosphère possédant une mise en scène sensorielle et énigmatique. Joyce A. Nashawati explique : "Le spectateur est censé « se perdre » dedans… Le film se veut un cauchemar pour Ashraf, le personnage principal, dans lequel il s’enfonce doucement jusqu’à perdre pied, entraînant le spectateur dans son vertige. Pour cela, le travail sur le son est important, tout ce qui est off, suggestif, le bruit des insectes par exemple ; tout comme l’impression de chaleur dans la matière-même de l’image, un sentiment d’errance, le temps qui semble comme arrêté… Toutes choses qui relèvent effectivement du « sensoriel »."
Le soleil omniprésent est presque le second héros du film. Joyce A. Nashawati a voulu que les intérieurs soient dans la pénombre, en contraste avec l’extérieur. En compagnie de son directeur de la photographie Yorgos Arvanitis, la réalisatrice a joué sur les percées à travers les rideaux, les stores, pour que les rayons du soleil soient perçus comme une agression, un siège. La lumière grecque étant tout au long de l’année plus claire, sèche, vive, comme si elle clarifiait l’esprit, Nashawati et Arvanitis ont un peu triché pour la rendre "dark par densité", comme pendant un mois d’août interminable.
La crise terrible que traverse la Grèce a eu un impact sur le tournage. Ainsi, Joyce A. Nashawati se rappelle que les fournisseurs étaient aux abois, les techniciens très appauvris et les décors peu chers… Elle poursuit :
"Le cinéma grec n’est pas une véritable industrie. Il est basé sur le sens de la débrouille de producteurs qui aiment l’aventure risquée de la fabrication d’un film. C’est un cinéma dépendant des co-productions, ce qui peut créer une sorte de néocolonialisme si ça se passe mal ou une rencontre culturelle passionnante quand ça se passe bien…"
Joyce A. Nashawati note qu'il y a deux types de musique dans Blind Sun. Les morceaux qui participent à l’action, qu'elle voulait rétro et hantés en résonnance avec les thèmes du film, et la musique originale qui avait pour but de créer un sentiment d’étrangeté tout en évitant de trop surligner le malaise du personnage.