Tu prends une famille dysfonctionnelle, recomposée qui plus est, avec une mère exhibitionniste, un père homosexuel, efféminé qui adore se travestir, qui passe ton temps à crier sur ses gamines, ce couple a trois enfants, plus deux autres enfants issus d'un précédent mariage, le tout raconté comme un conte de fée... ça nous donne un joyeux bordel... surtout que... c'est un documentaire...
Certains partent pas gagnant dans la vie... entre le père qui n'a pas connu sa mère car elle a accouché à 11 ans... le fait que tout le monde finisse par s'arracher du cocon familial, dont un dès 13 ans... c'est qu'il y a quand même un problème.
Alors ça peut sembler déprimant comme ça mais ça ne l'est pas du tout, c'est un film plein de vie, car tout ça a un emballage très "pop", avec un montage assez marrant, une bonne utilisation de la musique. La réalisatrice (qui est la demi-soeur de Pauline) prend par exemple une vieille vidéo où son beau-père est travesti et passe par-dessus la chanson "double je" de je sais pas qui. J'ai trouvé ça totalement jouissif, j'étais même prêt à chanter avec dans la salle tout en me trémoussant (mais j'ai dû m'arrêter lorsque le couple devant m'a dévisagé). Le film possède comme ça quelques joyeux moments de pur bordel.
Mais il est aussi très touchant, parce qu'on voit que ces gens même si la mère avoue être gênée par la caméra (et c'est bien de le montrer, car j'avoue m'être posé la question de la véracité de tout ça et du procédé tout au début et ça permet d'évacuer ces questions en avouant que oui, forcément tout ce qu'on observe est modifié), c'est vrai. On a une vraie ado de 15 ans, qui ne réfléchit pas trop, qui pleure beaucoup, qui ne sait pas s'occuper de son homme... et qui est peut-être assez mégalo et flattée d'être filmée pour ne plus avoir de pudeur, ou du moins se lâcher totalement et être assez concentrée sur ses problèmes pour n'en avoir rien à foutre de la caméra.
Il y a une scène que j'adore, une des deux soeurs veut jouer Come As You Are, elle demande quel accordage il faut et Pauline ne sait plus, elle dit que de toute façon il faut une pédale et qu'elle n'en a pas... l'autre rétorque qu'il y a une pédale à la maison... les deux regardent la caméra, limite choquées en disant à demi-voix : "c'est papa".
Le fait que ça soit quelqu'un de la famille qui filme évite toute forme d'impudeur, ou de spectacle, de misérabilisme... Je fais le constat social... Je vois très bien tout ce qui ne va pas, dans l'attitude des parents, des enfants... la reproduction des schémas que les parents ont eux-même vécus. Mais cette famille est filmée avec un regard aimant et n'oublie pas de filmer les moments joyeux, ça ne devient jamais un triste spectacle qu'on regarderait avec un oeil méprisant.
C'est un film rafraichissant, malgré le sujet pas facile et qui se révèle être un très beau film sur l'adolescence.