César Acevedo évoque ici les retrouvailles d'un homme avec sa famille, 17 ans après avoir quitté celle-ci. Au travers de la maladie de son fils, il prendra conscience du drame, plus collectif, des ouvriers employés dans les grandes exploitations agricoles colombiennes, où les orangers et les arbres à pluie ont cédé la place à des cultures plus lucratives...
Deux cadres délimitent l'espace de ce film : l'intérieur caravagesque de la maison familiale, lieu d'agonie du fils, et l'extérieur, où s'étendent à perte de vue des champs de canne à sucre, qui s'éploient autour de la demeure, comme pour l'étrangler. C'est que dehors, pour récolter plus facilement la canne, celle-ci est d'abord brûlée. L'air est alors ensemencé de cendres, sorte de pluie noire toxique, telle qu'il en tomba sur Hiroshima, le 6 août 1945...
Dans ce paysage d'apocalypse, où la nature est suppliciée, industrialisée, pour mieux entretenir le diabète des sociétés occidentales, et où les paysans ne sont plus que des ombres lacérées, couvertes de suie, des morts-vivants enveloppés d'un linceul de fumée, le malade, dont la respiration est de plus en plus douloureuse, ne trouve un peu d'apaisement que dans les ondoiements d'un voilage de dentelle. Le message est le même que dans L'étreinte du serpent, autre film d'origine – en partie – colombienne : les blessures infligées à la nature ne laisse pas l'Homme indemne !
Ce premier long métrage, empreint d'une tristesse profonde, se distingue par une maîtrise technique impressionnante. Chaque plan est construit avec un soin ciselé, avec, souvent, comme point de repère, l'ultime arbre à pluie de la ferme familiale. Son port majestueux, semblable à celui d'un arbre-monde, apparaît comme le souvenir mélancolique d'un éden a jamais disparu...