Un film islandais? Pas possible? On y court! Avec des colosses barbus vêtus de merveilleux pulls jacquard? On y vole! Et les plus beaux moutons que vous puissiez imaginer en rêve? On y plonge!
Un petit film envoûtant, totalement original, totalement hors normes, et pourtant totalement dans la vraie vie même si cette vie là à des aspects exotiques, liés à ces paysages sublimement désolés, énormes, ravagés par le vent, brûlés par le gel...
Mais là où je me frotte les yeux, c'est que j'ai vu dans certaines critiques le film qualifié de "comédie". Alors, ou bien le mec il est parti au bout de vingt minutes pensant qu'il en savait assez pour écrire son petit texte, ou bien il est hermétique à toutes forme d'humanité. Parce que la vérité, c'est que si vous rentrez dans la salle un peu déprimé, en sortant vous allez direct vous jeter dans la Seine ou dans le Rhône. Bien sûr, il y a de l'humour. Tout le temps. Déjà, le physique des différents protagonistes.... Mais c'est, au fond, affreusement triste.
Deux vieux garçons. Deux frères ennemis. Depuis 40 ans.... Leurs champs sont mitoyens; leurs maisons, séparées de 300 mètres et depuis 40 ans, ils ne se sont plus adressé la parole. Et, lorsque la nécessité de communication s'impose, c'est le chien de Kiddi qui transporte une missive dans sa gueule.... Des deux, il y en a qui est quand même un peu plus ennemi que l'autre... et vers la fin du film, on en saura un peu plus sur les raisons de la discorde, mais ça n'a en fait aucune importance. Ce qui est certain c'est qu'ils sont bien dissemblables. Le héros principal, Gunni (Sigurður Sigurjónsson), passe ses soirées à faire des puzzles en écoutant de la musique et en buvant des sodas, là où Kiddi (Theodór Júlíusson) préférerait les boissons fortes...
L'important c'est qu'ils élèvent, comme tous les autres habitants de la vallée, des moutons. Mais pas n'importe quels moutons: une race locale, rustique, adaptée au climat, sublime. Les béliers portent des spires de cornes comme des mouflons; les brebis sont de grosses boules de poil immaculé, des cocons douillets qu'on devine plus doux que le cashmere. Et avec cela, de beaux yeux, un joli museau.... Hélas! la tremblante du mouton se déclare, et il faut abattre tout le cheptel de la vallée. Abattre les animaux, détruire les écuries, le foin, tout désinfecter sous l'œil des cerbères des services vétérinaires. Vous imaginez ce que cela représente, pour un éleveur. Moi, arrivée à ce point là du film, je pleure de chaudes larmes.
J'aime quand le cinéma me raconte de vraies histoires de vrais gens, de vrais gens, de belles personnes, pas des intellos lubriques du 5eme arrondissement parisien.... En ce moment, on a des cas de grippe aviaire dans le Sud-Ouest. Il n'y a pas encore de décisions prises d'abattage généralisé; mais cela pourrait arriver. C'est ça, la vraie vie.
D'ailleurs, faut il abattre, ou laisser les choses suivre leur cours? les bêtes les plus robustes survivront; l'épidémie s'arrêtera d'elle même; on aura ainsi sélectionné une race plus résistante. La question se pose; cela peut se faire aussi; apparemment, mais les vétos finlandais n'ont pas d'états d'âme.... ils exécutent.
Moi j'ai adoré ce film; c'est sûr que je suis particulièrement sensible aux thèmes de la ruralité et des animaux.... Et c'est vrai aussi que le côté cocasse des héros fait passer la gravité du propos, et qu'il y a quelques scènes irrésistibles. Et ne craignez pas un film trop statique: il se passe quand même plein de choses que vous découvrirez à son fil!
Le beau film de Grímur Hákonarson nous fait ressentir à un point rarement atteint le froid, le blizzard. Et en même temps, la beauté d'un monde préservé. Mais c'est dur, la vie d'éleveur. A méditer quand tant d'autres se plaignent.... Allez vite le voir!!