La cinéaste Ida Panahandeh s'est toujours intéressée à la condition des femmes au Moyen-Orient et à travers le personnage de Nahid, elle a voulu représenter le dur quotidien des femmes en Iran. Elle espère que son film pourra faire évoluer l'image que les gens ont des femmes dans ce pays.
Cela fait longtemps que Ida Panahandeh et son coscénariste Arsalan Amiri voulaient écrire un film centré sur une jeune femme et son fils. Tous les deux ont grandi en l'absence d'un père au sein de familles matriarcales et ont été témoins des luttes de leurs mères pour s’imposer en tant que femmes indépendantes dans la société traditionnelle iranienne (un peu comme Nahid). La réalisatrice explique : "Elles se sont efforcées, le plus sincèrement possible, d’offrir le meilleur pour leurs enfants et pour elles-mêmes. Nahid est ce genre de femmes. Peut-être rendons-nous hommage à nos mères de manière inconsciente ?"
Ida Panahandeh voulait que Nahid vive dans une ville de province pour accentuer le fait qu'elle soit soumise au regard des autres sans pour autant que les petits plaisirs du quotidien soient inaccessibles pour le personnage : "Il nous fallait donc une ville où la population est ouverte d’esprit. C’est pourquoi nous avons choisi de nous diriger vers le Nord de l’Iran, et vers le port d’Anzali que nous connaissions bien tous les deux."
Via le personnage de Nahid, une femme divorcée mais amoureuse d'un autre homme, le film parle de ce que l'on appelle le "sighe", qui est un mariage temporaire : "En Iran, si une femme divorcée ayant la garde de son enfant se remarie, elle perd son droit de garde au profit du père de l’enfant. Donc, si elle souhaite avoir une relation légale sans courir ce risque, elle peut avoir recours au mariage temporaire, le "sighe". Bien que le "sighe" soit inscrit dans la loi de l’islam chiite, les Iraniens portent presque unanimement un regard très négatif sur les femmes qui y recourent. C’est une pratique taboue, considérée comme un instrument d’exploitation des femmes. Cette loi permet en effet à un homme de contracter sans limites des mariages temporaires d’une durée d’une heure à plusieurs années. C’est pour cette raison que Nahid et Massoud, soucieux du regard des autres, se cachent de ce mariage temporaire qu’ils font passer pour définitif", nous renseigne Ida Panahandeh.
Dès l'écriture du film, Ida Panahandeh voulait le filmer à l’automne pour retranscrire l’atmosphère grise et nuageuse de la ville qui reflète parfaitement l’état intérieur des personnages et plus particulièrement de Nahid : "Les couleurs des costumes et des éléments du décor ont dû être soigneusement contrôlés afin de rester dans des tons froids et neutres permettant de faire ressortir le rouge, à la portée symbolique, d’un des éléments du récit."
Ida Panahandeh n'a pas cherché à faire un film purement réaliste mais plutôt à faire en sorte que le réalisme soit accompagné d’une poésie latente et de touches de violence transparaissant à travers la mise en scène, les objets, la musique, les mains de Nahid, les couleurs ou encore le son.
La comédienne Sareh Bayat, qui avait obtenu l’Ours d’Argent de la meilleure actrice pour Une séparation, campe ici une femme forte contrairement à son personnage dans le film d'Asghar Farhadi. Au départ, Ida Panahandeh était un peu inquiète lorsqu'elle a choisi la comédienne de peur que cette dernière soit associée à la femme passive qu'elle incarnait dans Une séparation.
L'acteur Pejman Bazeghi a souvent eu des rôles d'homme séduisant plaisant beaucoup aux femmes. Son personnage dans Nahid n'était pas habituel pour lui puisqu'il s'agit d'un homme mûr, posé, père, époux et amoureux.
Le film a été présenté à Un Certain Regard au Festival de Cannes 2015.