La biographe Lee Israel, seule et endettée, se résout en 1991 à rédiger de fausses lettres signées de grandes écrivains du XXème siècle, dont Dorothy Parker et Noël Coward, qu'elle revend à des librairies spécialisées. De cette escroquerie elle tire de quoi apurer ses dettes et faire soigner son chat malade. En 1993, alors qu'Israel a déjà écrit 400 faux, le FBI se lance à ses trousses. Condamnée à 5 ans de liberté surveillés et 6 mois d'assignation à résidence, elle évite la prison. 15 ans plus tard, elle publie son autobiographie, "Can You Ever Forgive Me? Memoirs of a Literary Forger", et décède en 2014 à l'âge de 75 ans.
Au départ, c'est la comédienne Julianne Moore qui devait incarner le rôle de Lee Israel, finalement tenu par Melissa McCarthy (avec une nomination à l'Oscar à la clé). Impliquée très tôt sur le projet, l'actrice a été purement et simplement évincée du casting en raisons de divergences artistiques avec la scénariste Nicole Holofcener (au départ, il était question qu'elle réalise aussi le film avant que Marielle Heller ne reprenne le flambeau). L'artiste, qui tenait beaucoup à ce rôle, a tenu à s'en expliquer : "Je pense que Nicole n'aimait pas ma vision du personnage. On avait commencé la pré-production du film et fait des répétitions. Son idée du personnage différait totalement de la mienne. Elle m'a donc renvoyée. J'adore Melissa McCarthy mais je ne peux pas voir le film, c'est trop douloureux pour moi. La dernière fois que je me suis fait virer, c'est quand je travaillais dans un stand de yaourts quand j'avais 15 ans."
Marielle Heller s’est fait une carrière à la fois devant et derrière la caméra. Originaire de Californie, elle commence à jouer dans les sitcoms Spin City et Single Dads. Plus tard, elle passe au grand écran dans la comédie d'action Macgruber, et dans le drame policier Balade entre les tombes, face à Liam Neeson. Sa carrière de réalisatrice débute en 2012, grâce à plusieurs bourses dont la Sundance Screenwriting & Directing Fellowships. Pour son premier long métrage, Marielle adapte le roman de Phoebe Gloeckner, The Diary of A Teenage Girl. Le film reçoit les éloges de la critique à Sundance et est nommé pour le Grand Prix du Jury. Elle vient de terminer son nouveau long métrage, A Beautiful Day In The Neighborhood, qui mettra en vedette Tom Hanks dans le rôle de M. Rogers. Pour la télévision, Marielle Heller a réalisé plusieurs épisodes de séries remarquées comme Transparent (Amazon) et Casual (Hulu).
Melissa McCarthy a été attirée par le personnage de Lee Israel précisément en raison du dilemme et du défi inhérents au rôle, consistant à capter une forme de séduction derrière des manières repoussantes. "Ce que j'aimais le plus dans le fait de jouer Lee, c'était de chercher la part de rédemption chez une personne qui n'est peut-être pas la personne la plus facile à vivre", explique-t-elle. "Je cherchais toujours à comprendre ce qui poussait Lee à se cacher derrière cette façade caustique, et j’ai fini par tomber vraiment amoureuse d’elle. Je pense qu’on perçoit en elle des dimensions qu’on ne voit pas souvent dans les personnages féminins. Elle n'est pas lumineuse, elle ne flotte pas dans la vie en semant le bonheur autour d’elle. Elle débarque comme une tornade et repart aussi sec." Il n'y a eu aucune tentative d’adoucir la personnalité d’Israel. "Une partie de ce qui rend Lee si fascinante, c'est qu'elle était exactement ce qu’elle était", analyse McCarthy.
Lee Israel n'avait jamais imaginé mener une vie de hors-la-loi. Biographe reconnue et ambitieuse, elle évoluait dans le Manhattan frénétique des années 1970. Ses deux livres les plus vendus (des biographies de la vedette Tallulah Bankhead et de la journaliste et animatrice Dorothy Kilgallen) lui avaient assuré son entrée sur la scène littéraire chic de New York. Mais après le flop de son troisième livre, une biographie d'Estée Lauder, le syndrome de la page blanche s’installa, et en un clin d'oeil la vie d'Israel bascula du mauvais côté. Très vite, elle se retrouva à vivre dans la misère, entourée de vieux ouvrages, et de Jersey, son chat bien-aimé. Pour s’en sortir, elle vendit alors tout ce qu'elle possédait, y compris une lettre originale signée de Katharine Hepburn. Les 200 dollars reçus en échange firent germer en elle une idée : créer de fausses lettres de célébrités pour parvenir à joindre les deux bouts. Ainsi se lança-t-elle dans une nouvelle carrière, celle de faussaire littéraire.
Richard E. Grant était attiré par l'humanité de Jack Hock, le partenaire de crime de Lee Israel. "Jack a d’une certaine manière la personnalité d'un labrador. Il pense qu’il peut se frotter à tout le monde et se faire aimer, mais il est parfois malmené et il se sent seul. C'était un dealer de cocaïne et probablement un kleptomane, qui fut banni du drugstore de Duane Reade pour vol à l'étalage. Mais quand il commence à fréquenter Lee Israel, ils développent une relation aussi fusionnelle que conflictuelle, qui constitue selon moi le coeur de l'histoire", explique l'acteur. "Il lui arrive de dépasser les bornes avec Lee, mais c'est aussi ce qu'elle aime chez lui. Il ne s’impose pas de limites et ne croit en aucune règle, il est prêt à emmener Lee dans un pays qui n’aurait pas de frontières et qui ne serait qu’à eux."
Lee Israel commença à créer de fausses correspondances épistolaires d’écrivains et de personnalités comme Dorothy Parker, Ernest Hemingway, Noël Coward, Edna Ferber, Lillian Hellman, Louise Brooks ou George S. Kaufman. Prenant cette activité très au sérieux, elle étudiait méticuleusement ses sujets pour épouser au mieux leur style d'écriture, allant jusqu’à utiliser de vieilles machines à écrire de toutes les époques concernées. Même pour un oeil averti, ses faux étaient indétectables. Parfois, c'était comme si elle captait littéralement l’esprit des auteurs illustres, y insufflant sa propre vie et son âme. Elle se convainquit qu'elle ne faisait rien de mal, mettant simplement en lumière des célébrités renommées pour leur talent. Lee renoua ainsi avec la fortune et l’excitation créatrice. Subsistait un problème majeur : elle était devenue une hors-la-loi.
Le producteur David Yarnell, confident et ami d'Israel jusqu’à sa mort en 2014, l’avait convaincue d'écrire ses mémoires. Ils s’étaient rencontrés des années auparavant, lorsque Yarnell avait posé une option sur les droits cinématographiques de ses deux premiers livres – à contrecoeur, Israel avait fini par lui raconter l'histoire de ses années de filouterie. "Il s'agissait d'une entreprise illégale et dangereuse, mais elle disait que cela lui avait aussi procuré une profonde satisfaction – elle était ravie d’avoir pu faire passer ses propres écrits pour les leurs", se souvient Yarnell. À l'époque, faisant fi de ses protestations, Yarnell encouragea Israel à écrire, avec son propre style direct et ironique, le récit de cette drôle d’aventure, celle d’un rat de bibliothèque solitaire jouant au chat et à la souris avec le FBI. Ironiquement, le récit de sa vie lui valut enfin l'attention littéraire qu’elle avait si longtemps désirée, et Yarnell savait aussi que l'histoire possédait de réelles qualités cinématographiques.