Je ne suis pas particulièrement fana de Donizetti, pas plus que de Rossini d'ailleurs. Mais bon, il y a bien des airs plaisants dans Roberto Devereux qu'on retient tout de suite et qu'on fredonne en sortant.
Et puis, la distribution et le travail de reconstitution historique fait par David McVicar pour le spectacle du MET diffusé dans les salles Gaumont méritent amplement qu'on s'y arrête!
Scénario (très librement.....) inspiré par un épisode de la vie de la Reine Vierge. Vierge, certes, mais plusieurs fois fiancée et plusieurs fois entichée de favoris, depuis le célèbre Lord Dudley, alors qu'elle n'avait encore que vingt cinq ans, jusqu'à Robert Devereux, comte d'Essex alors qu'elle en avait..... soixante cinq..... Aïe aïe aïe! Il semble bien que Devereux ait encouragé cette passion en laissant croire qu'elle était réciproque... Mais Devereux, qui était un crétin, fomenta toutes sortes de trucs louches derrière le dos d'Elizabeth, qui dût se résoudre à le faire décapiter, mais il paraît qu'elle s'enfermait parfois pour le pleurer.... brave petit coeur!
Comme la passion d'une vieillarde pour un crétin ne saurait faire un opéra, deux personnages imaginaires font leur apparition: le duc de Nottingham, meilleur ami de Robert /Roberto; et son épouse Sarah -dont hélas Roberto est amoureux et c'est réciproque. Elizabeth comprend qu'elle a une rivale.... et sa jalousie maladive n'a plus de limite! Quant au mari, il va tomber des nues comme tous les maris et ça ne lui fait pas plaisir non plus, bref, tout ça ne peut que mal finir.
David McVicar a donc choisi de faire une superbe reconstitution. Le décor, unique, est une salle d'apparat. Des figurants en costume d'époque sont toujours présents; quant aux tenues de la Reine, elles sont somptueuses, des reconstitutions de ces robes rebrodées d'or et de pierreries, recouvertes de bijoux, avec leurs collerettes roides que l'on voit sur tous les portraits d'Elizabeth, et Dieu sait qu'il y en a!!
Les deux rôles d'homme sont tenus par le rondouillard (mais excellent) ténor Matthew Polenzani et le baryton Marius Kwiecen et Sarah est chanté brillamment, même si on a l'impression que ce n'est pas exactement sa tessiture, par la belle mezzo lettone Elina Garanca.
Et enfin, il y a le phénomène Sondra Radvanovski! Sa voix est sublime, passant d'éclats rageurs aux pianissimi les plus impalpables (le rôle est terrible) -et elle incarne Elizabeth comme je n'ai jamais vu chanteuse le faire! Le visage plâtré avec des pommettes grotesquement rougies, le corps roide au point de renverser la tête en arrière sur sa collerette, cette expression de méchanceté qui tourne au désarroi, lorsqu'au dernier acte (Robert va être exécuté, Robert est mort), en chemise, elle arrache sa perruque montrant cette tête à demi chauve, couverte de rares cheveux blancs, elle est à la fois pathétique et terrifiante, c'est du grand, grand théâtre.... Ah, il est plus courant à l'opéra de voir de très jeunes héroïnes interprétées par des chanteuses qui ont vu le loup.... et même la meute.... Bref c'est magnifique! D'ailleurs c'est elle qui vient saluer en dernier, et pas le rôle titre. Et le public new yorkais est hystérique!
Si ce spectacle sort en dvd, il faudra sauter dessus!