Jorge Luis Borges est considéré comme l’une des grandes figures des lettres argentines du XXe siècle, dans son propre pays comme à l’international. On rattache son œuvre au courant artistique sud-américain du "réalisme magique". Il a écrit plusieurs recueils de nouvelles (mais jamais de romans), dont certains très célèbres comme Fictions (1944), L’Aleph (1949) ou Le Livre de sable (1975).
À l'origine de Trois contes de Borges, il y a l'idée de comparer le texte original de Borges et sa traduction : "Qu’a-t-il été perdu dans l’effort de transcription de l’espagnol vers le français ? Quel rapport y a-t-il entre l’original et le transcrit ? L’écrit original étant déjà, en soi, la transcription altérée d’une émotion, d’une idée, d’une sensation, etc. Cette réflexion devient vertigineuse, et sans issue" explique le réalisateur. Tout en étant conscient qu'adapter les écrits de Borges au cinéma constituait un risque de trahison encore plus grand que celui de la traduction, Maxime Martinot y voyait aussi "une possibilité unique de « rendre hommage », de « faire allusion » de manière la plus respectueuse possible."
Trois contes de Borges met en scène l'écrivain argentin alors qu'il est aveugle depuis peu. Les trois nouvelles adaptées viennent en effet du recueil El libro de arena, écrit en 1975, peu après que Borges est devenu complètement aveugle. Le réalisateur explique : "J’ai déduit que ce recueil de nouvelles a sans doute été le premier à être « écrit », sans pour autant être écrit par lui, concrètement, à la main. On se demande donc : écrit-on seulement avec un stylo, une machine à écrire ? Parler, est-ce écrire ? D’où vient ce qui fait texte ? Et on revient aux fondements de la poésie, qui est d’abord et avant tout un art oral. Borges n’a jamais appris le braille, il a appris à travailler avec des personnes pour l’aider et retranscrire son travail, de l’oral à l’écrit. [...] Quand il parle de sa cécité, Borges ne voit pas cela comme une malédiction, il parle de don".
Trois contes de Borges est une série d’adaptations de fictions, mais où les éléments biographiques liés à l’auteur sont très présents. Pourtant, le réalisateur se défend d'avoir signé un biopic, ce dernier étant le genre cinématographique qui l'intéresse le moins : "la linéarité biographique des biopics me semble aller à l’encontre même du principe de l’art et de sa mise en histoire". Il ajoute : "je trouve aujourd’hui la notion d’auteur galvaudée, surestimée, et qu’on gagnerait à s’en éloigner. Par rapport aux Trois contes, tout ce que je dis là semble très paradoxal, puisque que ce film est hanté par la figure de l’auteur dont il adapte les œuvres. Mais j’ai choisi Borges aussi pour cela : avec tout l’humour sombre qui est le sien, Borges s’est projeté dans chaque personnage de ses propres contes, comme pour se multiplier, comme pour s’annuler".
Le film a été produit par le Collectif COMET regroupant des amis techniciens et réalisateurs de Maxime Martinot : "Nous nous sommes pour la plupart rencontrés en école préparatoire à Nantes (Ciné-Sup). Ayant chacun des expériences et des domaines de travail différents, mais avec en commun une amitié et une envie de respecter le travail commun du cinéma (qui, dans le monde de la profession, est occulté par le professionnalisme et la hiérarchie), nous avons pu tourner plusieurs films ensemble, en échangeant un peu nos rôles. Chacun de nous sait monter, cadrer, faire du son, jouer, etc."