Un Ours d'Or, vraiment ?
Il s'agit pourtant d'une véritable supercherie et je suis étonné que si peu de personnes ne la relève.
En effet, les prétendus passagers du taxi ont tous une intervention bien planifiée. Tout a été savamment orchestré pour avoir un caléidoscope partiel de la société iranienne et surtout pour dénoncer les absurdités du système, et la censure cinématographique (avec le pseudo-devoir d'école de la nièce censée réaliser un documentaire - en réalité, cela lui permet d'énoncer les règles en la matière de façon peu subtile). Je connais l'Iran, pays que j'adore, et je ne souhaite pas soutenir le pouvoir en place et sa charia d’État. Mais même l'ambiance si chaleureuse et nonchalante de ce pays ne s'invite dans ce film pourtant clandestin.
On a donc droit, comme c'est commode, aux thèmes du vol (3x), du cinéma (fil conducteur, logique mais les Iraniens ne parlent pas de cinéma à longueur de temps), de la superstition, de l'accident/testament (cette scène manque cruellement de vraisemblance, entre autres, la femme est en ville 10 minutes après être arrivé à l'hôpital avec son mari en sang... or le sourire de Panahi ne le quitte jamais quelles que soit les circonstances!) etc.
Le rôle de la nièce cristallise ce truquage. Ses dernières phrases si matures, lucides et implacables ne peuvent sortir de la bouche d'une fillette. Conclusion, doublée par le casse lui aussi orchestré, qui sonnent faux comme le reste du film.
Quitte à tout arranger, autant créer des scènes encore plus riches de sens et de charge critique, non?
Enfin, d'un point de vue formel, le dispositif de caméra cachée (doublé de caméra d'appareil photo numérique via la nièce) rend l'image aussi sautillante et laide que les plans sont statiques car confinés à l'habitacle du taxi.
Certes, le film est courageux, le postulat et le dispositif sont intelligents, mais la visibilité des ficelles m'ont empêché de le savourer, même si certaines phrases et réflexions font mouche et que la scène du petit ramasseur de bouteilles montre parfaitement l'inanité de ce qu'il est permis de filmer. Panahi s'amuse et signe un documentaire mineur, je pense qu'il serait le premier à avouer qu'il ne méritait pas un prix cinématographique de telle envergure. Politique, sans aucun doute, mais il s'agit là de cinéma, les jurés des festivals semblent de plus en plus l'oublier...