Un film entre fiction et réalité, tourné clandestinement dans la capitale iranienne par Jafar Panahi, qui fait pourtant l’objet depuis 2010 d’une interdiction de filmer. Pour contourner cela, il a caché une petite camera près du pare-brise du taxi qu’il conduit, filmant ainsi ses discussions avec les passagers qu’il ramasse. Cela ne nuit pas du tout à la qualité de l'image, cependant il faut dire que Jafar Panahi est coutumier de ce genre de procédé rudimentaire, dans Ceci n'est pas un film, il en était réduit à utiliser un smartphone. Dans ce nouveau film, les scènes se succèdent à mesure que Panahi ramasse des clients, à chaque fois il y a une histoire différente, plus ou moins rocambolesques, surprenant parfois le spectateur. Notamment cette scène où un passager parti chercher des dvd de blockbusters vendus sous le manteau, se met soudain, ayant reconnu le cinéaste, à acheter des films d'auteur pour ne pas perdre la face car bien évidemment, vu la notoriété de Panahi, le subterfuge ne tient pas longtemps, ce qui n’empêche pas les passagers de se confier à lui, dans une ambiance plutôt cordiale. Au bout d’un moment on soupçonne une forme de scénarisation et de complicité avec certains passagers, on ne sait plus alors ce qui relève du documentaire ou de la fiction pure et simple. C’est dans ce taxi, dans cet espace confiné que les gens se sentent le plus libre pour s’exprimer et critiquer le régime. Dans ce film en forme de huis clos itinérant, ces discussions avec les différents passagers forment des sortes de petits épisodes mis bout-à-bout, formant au final un véritable tableau de la société iranienne de nos jours. Une société qui, malgré la chape de plomb maintenue par le pouvoir, est une société bien plus libérée et joyeuse que ce qu’on peut en penser au premier abord. Un film remarquable, un des plus originaux de l'année 2015.
Vous pouvez consulter mon classement des meilleurs films de 2015 ainsi que des critiques complètes (illustrées et parfois accompagnées d'extraits) sur mon blog: