Souvent les scénarios, comme les pièces de théâtre, s’accompagnent d’une présentation des personnages, glissée là pour l’agrément du lecteur. Cette note s’adresse en fait à tous ceux qui vont s’emparer du texte : les acteurs bien-sûr, les techniciens parfois, les financiers surtout. Et quand le projet aura abouti, film ou spectacle, on l’oubliera aussi sec. Mais Olivier Jahan fait démarrer "Les Châteaux de sable" d’une étrange façon : Il nous donne à entendre la description des personnages, lue en voix off par une narratrice omnisciente. Oh bazar, c’est à peine le début, et déjà je m’enfonce dans mon fauteuil, en craignant le pire. Sûr, les retrouvailles avec la trop rare Emma de Caunes ne vont pas suffire ! Je n’aime pas les voix off, je n’aime pas ce qui inféode le cinéma à la littérature, je n’aime pas que le goût du romanesque ou de la précision psychologique soit prétexte à ces tartinades sans fin. Pour moi, un terrible aveu de faiblesse. Et pour tout dire, je ne suis pas folle non plus des personnages qui regardent la caméra, et pas très fan du easylistening genre Patrick Watson. Bref, "Les Châteaux de sable" devrait avoir tout du film qui me tombe des yeux, du truc que je déteste. Et bien, pas du tout. J’en étais à peine là à compter mes préventions, à me crisper d’avance sur ce que je croyais deviner, le charme m’est tombé dessus. Si, si ! "Les Châteaux de sable" est un des plus jolis films que j’aie vus depuis longtemps. Une chronique délicate et subtilement écrite dont la construction opère peu à peu (même sur une spectatrice aussi réticente que moi !). En fait, il n’y a pas une voix off, mais des voix, une vraie polyphonie où se déploient, l’un après l’autre, tous les personnages. Et si le film marque son amour de la littérature (j’ai souvent pensé à Kundera), il y mélange aussi la photo, la musique dans une belle harmonie. Sur le deuil ou la perte d’un amour, c’est vrai, il ne dit rien de renversant. Mais il dit juste. Et les acteurs sont tous au top, tous à citer : Emma de Caunes bien-sûr, craquante comme jamais, Yannick Renier, encore meilleur que dans "Pauline et François", et la merveilleuse Jeanne Rosa, délicieux mélange de burlesque et d’émotion. Alain Chamfort est un fantôme à la troublante douceur, Christine Brucher une bouleversante libraire et, dans un tout petit rôle, Gaelle Bona impose en quelques vignettes sa beauté estomaquante. "Les Châteaux de sable" est un film étonnant, stylé, profond. Il ne parle que d’amour.