On peut comprendre que Keanu Reeves ait besoin d'arrondir ses fins de mois entre deux épisodes de "John Wick" mais là, il va tout de même falloir sérieusement penser à changer d'agent tant on ne comprend pas comment l'acteur et tous ceux qui l'accompagnent (pauvres Alice Eve et Thomas Middleditch) se sont retrouvés embarqués dans une galère pareille. C'est bien simple, en tant que sommet de n'importe quoi comme on n'en avait plus vu depuis un moment, "Replicas" fait un carton plein vu sa faculté à enchaîner les situations complètement aberrantes et les raccourcis scénaristiques à la vitesse d'un cheval de course cloné sans cervelle. En à peine un quart d'heure, le film semble chercher à évacuer toute notion de crédibilité pour bien nous faire comprendre que rien ne l'arrêtera dans l'improbalité qu'il s'apprête à nous infliger !
Pourtant, notre bienveillance naturelle de spectateur était prête à fermer les yeux sur certaines énormités, la première séquence où William, le chercheur en neurosciences joué par Reeves, ressuscite le cerveau d'un défunt dans un corps artificiel en mimant le Tom Cruise de "Minority Report" avec une sorte de casque VR vintage sur la tête pouvait encore passer en guise de présentation. Mais dès que la tragédie frappe notre héros, les bananas de "Replicas" sont définitivement cuitas niveau activité cérébrale.
Après un accident de voiture hilarant où tout le monde méritait effectivement de mourir (surtout le chauffeur qui regarde la route une fois sur deux), William se met donc en tête de tout simplement cloner sa petite famille grâce à ses recherches... et la grande rigolade gênante peut enfin prendre toute son ampleur !
Déjà, il y a cette décision un brin difficile à gober mais bon, il y a le coup de l'émotion de cette tragédie donc pourquoi pas... Seulement, entre le fait qu'un tel scientifique ne comprenne pas pourquoi sa dernière tentative n'a pas marché (le fait de se réveiller d'entre les morts dans un corps métallique est un brin déconcertant, non ?) et qu'il décide d'appliquer quand même le procédé à sa famille sans penser aux conséquences... l'émotion encore une fois, nous direz-vous peut-être ? Mouais, ça commence sérieusement à ressembler de la bêtise, surtout que la suite est encore pire ! Un tirage au sort ubuesque pour savoir quel membre de la famille n'aura pas son passe-droit d'outre-tombe, une société dont on découvre qu'elle peut tout aussi bien transférer des neurones que tranquillement cloner en intégralité des corps (son patron devrait sabrer le champagne au lieu d'être toujours de mauvais poil, avoir un tel monopole scientifique, chapeau !), un vol considérable de matériel inestimable qui paraît n'inquiéter personne... Même si certains de ces éléments trouveront quelques explications par la suite, pour l'heure, il font partie d'une liste d'absurdités qui s'allonge à vitesse grand V dans cette sombre histoire de "Frankenstein de garage" de plus en plus gênante.
Et comme le lâcher prise scénaristique est total, rien n'est fait non plus pour rendre un minimum crédible le personnage de William ! Lorsqu'on le voit en plus de tout ça s'amuser à triturer les souvenirs de sa famille 2.0 ou faire des vannes pour expliquer l'absence de son entourage en dépit de la tristesse qui devrait l'habiter, on se dit que le bonhomme a bien cherché les embrouilles amenées tôt ou tard à lui tomber sur le coin de l'oreille...
Cela va bien sûr arriver dans la deuxième partie de "Replicas" qui, étonnamment, va tout de même essayer de donner un sens global à quelques-unes de ses incohérences citées plus haut. Bon, pas immédiatement en ce qui concerne le personnage de Keanu Reeves, le pauvre bougre est déjà dans les ennuis jusqu'au cou avec sa famille ressuscitée mais il trouve le moyen de s'en créer des nouveaux à cause d'une prise de conscience un brin tardive (son collègue lui soulignera, tout comme le spectateur, avec des "Pourquoi ?" et des "Mais t'es complètement fou ?" avant de toujours se raviser avec une blague). Ce n'est pas non plus sur le terrain de l'émotion que "Replicas" va le mieux marcher malgré l'occasion en or que lui offre la donne extraordinaire de la situation, les clonés vont à peine avoir le temps de s'interroger de manière trèèèès prévisible à cause de flashbacks issus leurs inconscients que, bim, le film va déjà bifurquer vers une nouvelle direction (c'est peut-être le plus dommage car il est fort à parier que "Replicas" avait une vraie carte à jouer ici pour réparer les dégâts). Non, en réalité, c'est quand le long-métrage se transforme d'un coup de baguette magique en thriller avec l'aide d'un ou deux mini-twists qu'il tente enfin de relier les points de certains trous d'air de son intrigue.
À partir de là, "Replicas" n'en devient pas bon pour autant (les passages obligés restent légion et, visuellement, les effets spéciaux finaux sont d'une rare médiocrité) mais il devient amusant volontairement, chose qu'on ne croyait plus espérer. Cela ne le sauvera évidemment pas du naufrage mais cela prouve la présence de quelques idées malgré l'absence du savoir-faire indispensable pour les raconter autrement que par la voie du ridicule...
Bon, tout ça était tout de même sacrément affligeant, on ne vous mentira pas, mais "Replicas" assure néanmoins le minimum pour devenir potentiellement un nanar parfait pour se marrer entre potes le temps d'une soirée. Et puis, on aura appris qu'il existe au moins une réalité alternée où il est possible de concevoir une Alice Eve en ne bougeant pas de son garage, autant dire que ça n'a pas de prix...