Enorme carton en Israël mais doublement condamné à l'anonymat dans notre pays par une distribution peu avisée (sortie dans le trou noir de la mi-août et avec 1 seule copie contre 421 pour "Une Famille à Louer" ou 240 pour "Vive les Vacances" sortis le même jour, sans commentaire) et pas aidé non plus par un titre un poil crétin, "Zero Motivation" est une comédie bien sympathique, assez intelligente et très réussie, une womance -il paraît que c'est l'équivalent féminin de bromance, je n'invente rien, enfin je crois- à base de jeunes filles en uniforme qui peut parfois faire penser dans ses meilleurs moments à "M.A.S.H.", n'ayons pas peur des comparaisons osées. Eh oui, plus qu'un film comique troupier à base d'humour un peu noir et absurde (le côté kafkaïen des services administratifs de l'armée s'y prêtant parfaitement) autour de deux personnages principaux pour qui le service militaire est une perte de temps obligatoire, un voyage au bout de l'ennui long de deux ans, "Zero Motivation" est avant tout une belle histoire d'amitié, une amitié un peu vache aux fluctuations assez brutales (affection, entraide, engueulade, vengeance, réconciliation...). La principale force du film, c'est son interprétation : derrière les formidables et touchantes Dana Ivgy (la forte tête Zohar, à la répartie souvent imparable) et Nelly Tagar (la dépressive Daffi, à la moue irrésistible et aux pleurnicheries absolument hilarantes), tous les seconds rôles arrivent à faire exister et à rendre attachants des personnages pourtant assez convenus, comme la chef de service amoureuse de l'armée et très soucieuse de la bonne marche de son unité (ça rappelle un peu "Lèvres-en-Feu", tout ça) ou comme les secrétaires qui se font les ongles en hurlant à tue-tête les airs pop du moment. Et puis pour que l'orchestre fonctionne, il faut quelqu'un à la baguette : pour son premier long-métrage, la réalisatrice Talya Lavie fait plutôt dans la sobriété et alterne habilement (bien que parfois un peu brutalement) les scènes d'humour et les moments plus sérieux voir carrément dramatiques, tout en s'autorisant ça et là quelques petites plages de poésie à base d'images au ralenti sur un air de Chopin (notamment quand Daffi s'imagine déambuler dans les rues de Tel Aviv en treillis et talons hauts, très joli). Enfin, à tous les sceptiques qui, devant le sérieux de la situation au Proche Orient, se poseraient la question (pas forcément illégitime, d'ailleurs) : "Peut-on vraiment rire avec (ou de) Tsahal ?", on pourra répondre après avoir vu le film : "Pas mal, et toi-le à matelas ?"