Connasse, Princesse des coeurs est adapté de la mini-série de Canal + Connasse. Ce sont les créatrices de la série originale, Eloïse Lang et Noémie Saglio, qui réalisent le film : "Tout est parti d’une rencontre sur une plage un été en Corse", explique Eloïse Lang, en poursuivant : "Il faut dire aussi qu’à la base de « Connasse », il y cette envie très « girl power » d’aller à l’encontre de toute une galerie de personnages très masculins dont la fiction télé avait fait le tour selon nous... J’ai envoyé un texto à Noémie en lui disant : « ça te dirais de faire un truc autour d’une « connasse » et elle m’a immédiatement répondu « mais bien sur » ! Très rapidement nous avons écrit une « Bible » qui définissait exactement que cette fille serait un vrai personnage, avec ses occupations, son langage, ses réactions."
Camille Cottin reprend son rôle de la connasse dans Connasse, Princesse des coeurs. Tout comme dans la mini-série, les gens qu'elle côtoie et interpelle dans la rue ne sont pas des acteurs, mais des personnes réelles.
Après avoir "martyrisé" les Français, Camille Cottin, alias la Connasse, s'attaque aux Anglais. En effet, l'intrigue de Connasse, Princesse des coeurs se déroule en grande partie à Londres, puisque la jeune femme souhaite épouser le Prince Harry.
Bien qu'il s'agisse d'un film tourné en caméra caché, l'improvisation y tient très peu de place puisque les deux réalisatrices ont confirmé que chaque ligne de texte était écrite. Camille Cottin devait débiter la phrase appropriée en fonction de la réaction de son interlocuteur, comme l'explique Noémie Saglio : "Chaque scène a trois scénarios. Celui du film, (là où nous voulons arriver), celui du piège, (la façon dont s’installe la situation) et celui de Camille, (la manière dont elle va réagir et enchainer)... Il ne fallait qu’à aucun moment les interlocuteurs de la « Connasse » ne se doutent de ce qui se passait, d’autant que, (pour pouvoir tourner et enregistrer le son), Camille était souvent accompagnée d'une autre personne, une cadreuse déguisée par exemple. Donc, nous devions justifier auprès de la « victime » qui était cette personne, que ce soit cohérent. Ce pouvait être son assistante, sa meilleure amie, une cousine de province, tout dépendait de la situation."
Pour adapter le programme court de la Connasse, il était important de lui attribuer une quête qui puisse tenir sur tout un long métrage et l'idée qu'elle veuille "pécho" le célibataire le plus convoité d'Angleterre, à avoir le Prince Harry, s'est très vite imposée.
Un personnage qui s'amuse à jouer avec les gens lorsque ceux-ci sont filmés à leur insu peut nous faire penser au concept imaginé par François Damiens ou encore par Sacha Baron Cohen dans son Borat. Mais ce n'est pas l'avis d'Eloïse Lang : "Durant toutes les répétitions avec Camille, nous avons beaucoup insisté sur la sincérité du personnage : elle ne sait pas qu’elle est une « Connasse » et ne se revendique pas comme telle. C’est cela qui fait que les gens acceptent de la suivre dans ses délires... En fait, c’est l’anti « Borat » : elle n’est pas là pour juger les gens ou les faire passer pour des abrutis. C’est elle la « Connasse », c’est elle qui a un problème et les autres sont protégés, devenant une galerie de témoins la regardant passer, comme une héroïne de bande-dessinée propulsée dans la vraie vie..."
Le personnage de la Connasse est un mélange d'un grand nombre d'individus, de caractères et de situations auxquels les deux réalisatrices se sont confrontées auparavant, cherchant à répondre à la question suivante : "« Qu’est-ce que j’aurais aimé dire ou répondre dans cette situation-là » ? L’humour de « Connasse » part d’un principe : ne jamais être gratuit, ne pas balancer des vannes comme elles viennent et c’est sans doute pourquoi les gens se sont attachés à elle, parce qu’elle ose dire tout haut ce que tout le monde pense... En général, ce sont des réactions très énervantes, motivées par son impatience ou sa frustration. Dans une animalerie par exemple, elle va vouloir une bestiole qui ne fait ni pipi ni popo et comme ça n’existe pas, ça va l’agacer ! Ses désirs, ses volontés sont toujours bien au-dessus de ce que le commun de mortels peut attendre de la vie... En fait, « Connasse » ne supporte pas la médiocrité et elle a beau être parfois abominable, on s’attache à elle parce qu’elle nous ressemble."
L'un des éléments les plus complexes à gérer pour la mise en scène était de préserver l'effet de surprise et l'authenticité des réactions filmées face au comportement de Camille : "Il ne fallait qu’à aucun moment les interlocuteurs de la « Connasse » ne se doutent de ce qui se passait, d’autant que, (pour pouvoir tourner et enregistrer le son), Camille était souvent accompagnée d'une autre personne, une cadreuse déguisée par exemple. Donc, nous devions justifier auprès de la « victime » qui était cette personne, que ce soit cohérent. Ce pouvait être son assistante, sa meilleure amie, une cousine de province, tout dépendait de la situation", déclare Noémie Saglio.
Toujours selon Noémie Saglio, un autre enjeu était l'utilisation du matériel adéquat, car il était "impossible de tourner avec des lunettes-caméras : ce qui était faisable pour la télé ne passait pas du tout au cinéma au niveau qualité d’image (...). Nous avons donc choisi des Panasonic et des GH4, certes plus grosses mais qui permettent de faire le point, de zoomer. Nous avions besoin de trois plans pour chaque scène : un large, un champ et un contre-champ."
A la différence de la majorité des tournages, l'équipe technique de Connasse, Princesse des coeurs a évolué sans hiérarchie bien établie, comme en témoigne Noémie Saglio : "Chacun faisait plusieurs boulots en même temps : Eloïse et moi étions à la fois metteur en scène, scriptes, tout en choisissant les costumes et recoiffant Camille ! D’autres ont été costumières, coiffeuses, psy, assistantes et juristes ! D’autres encore, tout en faisant signer les autorisations de droit à l’image donnaient leur avis sur le scénario. Chacun a été au service de l’histoire et du projet, malgré les difficultés et les contraintes..."
Les scènes devant être tournées dans des décors en lien avec la famille royale ont été enregistrées à la toute fin du tournage pour éviter à l'équipe de se faire expulser du pays avec encore de nombreuses séquences à filmer. Selon l'une des créatrices du film : "Camille n’a plus le droit de s’approcher d’un lieu lié à la famille royale à Londres, comme la cérémonie des horse-guards justement (...). D’ailleurs, nous sommes retournées à Londres en janvier après l’attentat contre Charlie Hebdo et la sécurité de tous ces endroits avait doublée. Je suis persuadée que nous n’aurions pas pu tourner le film tel qu’il est à partir de ce moment-là..."
La plupart des victimes de la Connasse ont été castées sur Internet. Par exemple, pour la scène du notaire, celle-ci a été tournée près de dix fois et avec dix notaires différents afin d'obtenir l'effet recherché. De même pour la styliste, c'est en consultant son site internet et en constatant sa manière de présenter son travail que les deux réalisatrices ont deviné une forte personnalité qui pourrait livrer des choses inattendues en la provoquant.
L'interprète de la connasse, la comédienne Camille Cottin, a eu un parcours assez ambigu, comme elle l'explique : "J’ai fait une école de théâtre juste après le lycée et en sortant, avant de pouvoir gagner ma vie sur scène, j’ai donné des cours d’anglais en attendant que ça démarre ! Assez vite en fait, nous avons monté des pièces avec mes potes de l’école (...). J’ai fait du Café-théâtre, du Boulevard, de Classique, du Contemporain mais aussi des pubs, du doublage et j’ai plutôt considéré tout cela comme un enrichissement permanent. C’est en traversant toutes ces expériences que j’ai appris mon métier et de façon assez joyeuse en plus !"
Le fait de venir du théâtre a beaucoup aidé la jeune actrice : "Dans cette configuration, c ‘est vrai que ce tournage ressemble plus à du théâtre qu’a un tournage traditionnel… au théâtre, tout se joue dans l’instant, et on ne peut pas recommence ou revenir en arrière.... alors oui, c ‘est vrai qu’il y a des similitudes", explique Camille Cottin.
La première rencontre entre la Connasse et son interprète aura été très cocasse. Camille Cottin déclare : "La toute première fois, c’était au casting quand j’ai dû faire une improvisation. Il fallait que je me présente en tant que « Connasse » ! Et ensuite improviser un trajet en taxi dans lequel je me comportais en vraie connasse. Quand la présentation a commencé, j'ai su plus tard que j'avais déstabilisé Noémie, qui filmait ses essais avec un appareil photo en lui disant que ça ne ressemblait pas à une caméra, et que c’était un peu minable comme casting... Elle ne savait pas si j’étais sérieuse ou si j’étais déjà en train de jouer !"
Pour Camille Cottin, l'immersion dans ce personnage et cette expérience d'un point de vue général aura été très intense et assez éprouvante en raison de n'avoir pas su tout de suite "bien discerner la frontière entre la fiction et la réalité... « Connasse » est tout de même un personnage assez intriguant, perturbant pour ceux qu’elle rencontre et j’avoue qu’il m’a fallu un petit temps d’adaptation... Mais je me suis rapidement rendu compte que plus je l’assumais, plus j’allais loin avec elle, et plus mes interlocuteurs étaient à distance, comme protégés. Ils se disaient « c’est elle qui a un problème, pas moi ». Du coup, ça m’a aidé à trouver de la liberté dans mon jeu."
Il était, pour la comédienne, hors de question de ne pas se préparer ou de ne pas travailler son personnage sous prétexte d'un tournage "sauvage". Au contraire, Camille Cottin a voulu assumer son rôle "sans exclure mes interlocuteurs ou leur donner la possibilité de se poser des questions. Je me suis préparée comme pour un film lambda en travaillant sur la nature du personnage, à son rapport au monde, à ses objectifs… Alors ensuite évidemment, la grande différence avec un film « normal », c'est que mes partenaires étaient imprévisibles."
Certains interlocuteurs ont eu des réactions surprenantes comme par exemple la femme de chambre qui encouragea la Connasse dans sa chasse au Prince Harry : "C’était génial de voir à quel point elle s’est laissé embarquer par le personnage. Vous savez, le pire des scénarios c’est quand la personne en face n’est pas très réactive et donne le minimum. De mon côté, j’ai une sorte de colonne vertébrale, (mon texte), qui me permet de m’adapter à l’autre. Quand il est aussi réceptif que cette fille, ça devient magique !"