Carly Blackman signe une œuvre d'une rare délicatesse, où chaque plan respire la poésie et la sensibilité. Elle parvient à capturer avec une justesse troublante l’essence de la jeunesse, de ses tourments et de ses questionnements existentiels. L’intime devient universel et l’éphémère touche à l’éternel. Le personnage de Jane, magnifiquement incarné, devient le miroir de nos propres interrogations, de nos errances amoureuses, et de cette vulnérabilité propre à la jeunesse. Ce n’est pas tant l’histoire d'une quête amoureuse que celle d’une quête de soi, à travers laquelle chaque spectateur peut se retrouver. Jamais le récit ne tombe dans le cliché ni la caricature, mais transcende l’intime avec une grâce divine. L'œuvre brille particulièrement dans sa capacité à faire ressentir, plus qu’à montrer. La réalisation, d’une maîtrise impeccable, va plus loin que la Nouvelle Vague dont elle s'inspire, en explorant une profondeur émotionnelle qui dépasse ses références. Carly Blackman renouvelle ce genre en apportant une touche infiniment plus poétique et introspective. L’élégance des cadres, la lumière naturelle qui baigne les scènes, tout semble évoquer un Paris intemporel, à la fois réaliste et fantasmé, où chaque coin de rue devient le décor d’une réflexion intérieure. Les contradictions des sentiments se révèlent à travers Jane, déchirée entre ses désirs et ses peurs. Sa vulnérabilité face à Louis, ses illusions et désillusions amoureuses, son désir de trouver quelque chose de plus profond que la séduction superficielle, résonnent profondément avec quiconque a vécu ces émotions contradictoires. On se retrouve à la fois charmé et perdu, comme Jane, oscillant entre l’envie de croire et la lucidité amère de la réalité. L’œuvre ne se contente pas de solliciter nos émotions, elle engage notre réflexion sur les illusions qui nous façonnent et sur ce que signifie vraiment grandir. Et si le bonheur n’était pas dans la poursuite effrénée de nos rêves, mais dans l’acceptation de ce qui nous entoure déjà ? Les personnages secondaires, Clothilde et Henri, représentent des voix alternatives, une sagesse que Jane peine à entendre, mais qui, subtilement, viennent nuancer son parcours. La construction des personnages est riche, sans jugement, leurs interactions teintées d'humour et de philosophie. Les choix musicaux sont superbes et renforcent l'atmosphère envoûtante, presque onirique, qui caractérise toute l’œuvre. On est littéralement transporté à la fois par cette légèreté et cette profonde mélancolie. Ce premier long-métrage de Carly Blackman est une véritable révélation. Sa capacité à combiner avec tant d'élégance l’esthétisme du cinéma des années 60 et une approche résolument contemporaine des préoccupations actuelles, en fait une œuvre très innovante. Son style, déjà reconnaissable, est prometteur d’une carrière exceptionnelle. Une création rare, à voir et à revoir. Carly Blackman, poétesse, musicienne, visionnaire, s’impose ici comme une voix incontournable du cinéma contemporain.