Organisme modèle de la franchise d’action et de super-espions des années 2000, ‘Jason Bourne’, conscient du sentiment de routine qui commençait à le gagner, avait tenté de se survivre à lui-même à travers le spin-off qu’était ‘The Bourne legacy’. Pendant que Jeremy Renner luttait pour imposer son personnage d’agent d’élite sacrifié par les révélations faites dans le film précédent sur les programmes occultes des services américains, l’attention du spectateur restait braquée sur la figure invisible de Jason Bourne, devenu à son corps défendant l’alpha et l’oméga du scénario, celui par qui tout était arrivé et par qui tout pouvait se terminer, dont on guettait fébrilement l’apparition ou même le simple cameo : de quoi ruiner toute possibilité pour ce dérivé pourtant efficace de briller par lui-même. C’est donc neuf ans après ‘La vengeance dans la peau’ que Jason Bourne alias Matt Damon - qui commence visiblement à ne plus avoir l’âge pour ces conneries mais l’assume encore plus mal que Tom Cruise - refait surface. Neuf ans, c’est long, c’est même spécialement long (ou bien pas assez) pour relancer un phénomène qui s’illustrait par un ton, un style et une touche visuelle fortes mais liées à une époque bien précise. Le réalisateur, qui semble n’avoir pas pris la mesure de l’attente autour de la disparition du personnage à la fin du troisième volet, le jette directement en pâture aux spectateurs, paumé dans un no man’s land balkanique où il gagne sa vie dans des combats clandestins comme un simple Rambo de bas-étage. En d’autres termes, ça commence plutôt mal question iconisation...mais j’arrête tout de suite ceux qui s’attendent à une séance en règle de jeu de massacre critique : s’il est décevant, ce cinquième épisode est loin d’être une catastrophe et se raccroche sans difficultés aux enjeux géopolitiques contemporains d’un monde ultra-connecté et sous surveillance presque absolue : objectivement, la série possède encore de beaux restes, comme peut en témoigner cette traque dans les rues d’une capitale grecque en pleine émeute, menée avec une irréprochable maestria. Pourtant, le style Paul Greengrass, qui comptait pour une bonne part dans le succès de la série grâce à sa proximité avec le reportage de guerre sous amphétamines, ne fait plus autant recette...et en troquant le complot gouvernemental et les coups tordus entre services rivaux pour une vendetta personnelle un rien simpliste, le scénario n’y gagne pas au change. En fin de compte, il est ironique qu’une franchise, qui avait filé un grand coup de ringardise à ces vieilles badernes qu’étaient les ‘James Bond’ et les ‘Mission : Impossible’ se soit elle-même encroutée dans ses réflexes narratifs et stylistiques sans parvenir à trouver le second souffle qui a permis aux marques en question de se renouveler avec brio à la fin des années 2000.