Pour sa première réalisation, le directeur artistique indien Omung Kumar met en scène la jeunesse de la boxeuse Mary Kom, interprétée par Priyanka Chopra, miss monde 2000, ayant fait une carrière fulgurante à Bollywood, recevant de nombreux prix d’interprétation. Délaissant les chorégraphies, le réalisateur met le sport au centre du mouvement, sans oublier de parsemer son œuvre de messages subliminaux sur la province frontalière du Manipur.
Mangte Chungneijang Mary Kom, dite Mary Kom (Priyanka Chopra), est né en 1983, à Kangathei, dans la province du Manipur, en Inde. Fille d’un cultivateur de riz, aînée d’une famille de trois enfants, elle est promise par son père à une vie de femme au foyer. Bagarreuse au fort caractère, jouissant d’une volonté sans faille, Mary Kom va rencontrer, selon la légende, la boxe au hasard d’un gant abandonné, lors d’un incendie. Après une rixe contre un jeune homme maltraitant sa fiancée, elle se retrouve dans la salle de sport local et fait connaissance avec celui qui deviendra son entraîneur, Sunil Thapa (M. Narjit Singh). Elle devra dès lors, avec le soutien de son mari, Onler (Darshan Kumaar) se battre contre la misogynie de la fédération de boxe indienne, la désapprobation de son père, et la difficulté de vivre de front, sa vie de mère et d’athlète.
Commençons par l’essentiel pour nos lecteurs, Mary Kom sera sûrement une porte d’entrée parfaite pour les néophytes, l’approche du réalisateur soustrait la comédie musicale à l’équation pour livrer une approche biographique à laquelle nous sommes davantage habitués en Occident. Ainsi, Mary Kom va s’entraîner durement, avec l’aide d’un accompagnateur intransigeant, à la salle comme en pleine nature, toujours sur un fond musical, à l’image des Rocky. Le scénario passe rapidement sur les tournois nationaux de Mary Kom, les mettant rapidement en lumière pour montrer l’évolution fulgurante de sa carrière, et se concentre sur ses combats aux championnats du monde qu’elle remporte en en 2002, 2005, 2006, 2008 et 2010. Filmés avec virtuosité, les combats mettent l’accent sur les règles de la boxe plutôt que sur des knock-out mémorables. Le film reste avant tout un film biographique réaliste, loin de la mythologie cinématographique classique autour des tournois d’art martiaux. Tout le sel du film est de mettre en avant les combats de Mary Kom faisant sa place dans une société patriarcale et s’extrayant de sa condition dans une région de l’Inde sinistrée.
Manipur est un état de la fédération indienne, enclavé entre le Bangladesh et la Birmanie, à l’extrême-orient du pays. Sa situation géographique en a longtemps fait, d’une part, une zone de conflits ethniques, et d’autre part, une région ostracisée par le reste de l’Inde. D’autant plus qu’elle a la particularité d’être une région peuplée par une forte communauté chrétienne (autour de 36 % de la population contre 46 % d’Hindou). Le film débute alors que des affrontements entre l’armée régulière et l’une des vingt-cinq organisations paramilitaires se disputant l’État fait rage. Mary Kom perd les eaux pendant le couvre-feu, et seule sa notoriété lui permettra d’arriver avec la complicité des deux camps, jusqu’à l’hôpital. Issue d’une petite famille d’une province reculée et mal vue, Mary Kom est réellement devenu une icône indienne, notamment parce qu’elle a su incarner à l’étranger, tout aussi bien le Manipur que l’Union Indienne, revendiquant ses origines tout en clamant, à la face des discriminateurs dont elle fut la victime, son amour de l’Inde et sa légitimité en tant que représentante sportive du pays. En 2012, elle a obtenue une médaille de bronze aux jeux olympiques. À ce titre, l’unité incarnée par Mary Kom trouve son illustration, presque comique, lorsque pendant ses combats, sa famille la suit à la télé tandis que des guérilleros suivent le déroulement des rounds à la radio, mitraillettes à la main.
Un autre frein à la carrière de la boxeuse émane de la misogynie à peine masquée de la fédération de boxe qui néglige terriblement les championnats féminins. Un interview donné par Mary Kom lui avait valu les foudres de la direction, elle y dénonçait le régime à base de thé et de banane qu’on offrait « généreusement » aux sportives en déplacement. Heureusement, la carrière difficile de Mary Kom fut soutenu par un mari d’exception, la soutenant, et lui permettant de s’entraîner sans les contraintes nées de sa nouvelle vie de famille. L’athlète n’est pas présentée comme une bête de foire, et Omung Kumar laisse sa place à l’émotion, notamment lors de deux moments mémorables du film. La victoire de Mary Kom par K.O. contre son adversaire allemande est mise en parallèle avec l’opération chirurgicale réussie de son fils. Après deux rounds où elle ramasse littéralement ses dents, une sorte de connexion avec son enfant lui fait reprendre le dessus. De la même manière, elle reprend l’avantage lors de sa première finale lorsque son père décide enfin de s’asseoir avec tout le village pour la supporter. Ce sont des moments forcément romancés mais qui donne une force d’évocation supplémentaire au récit de cette vie de femme, forte et engagée.
Le film, sorti en France le 3 septembre, ne sortira pas dans le Manipur car il est interdit par de nombreux groupes d’insurgés et personne ne veut se risquer à le diffuser. La preuve que le combat de Mary Kom n’est pas fini et qu’il continue dans toutes les acceptations du terme.
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