Avec ce court et réjouissant "Hill of Freedom", Hong Sang-Soo frappe fort et juste. Et réalise sinon son meilleur film - parce qu'il nous faudra plus de recul pour en juger -, mais au moins l'un de ses plus stimulants à date. Stimulant parce qu'au mécanisme initial, un tantinet artificiel mais amusant, celui du mélange inopiné de lettres qui seront lues dans le désordre, donnant lieu à une narration en flashbacks obligeant le spectateur à recoller lui-même les pièces du puzzle narratif (sans même parler de "LA" lettre manquante, qui contient évidemment la scène-clé du film, que nous ne verrons donc jamais), Hong Sang-Soo ajoute subtilement un niveau de doute assez redoutable : ce que nous voyons à l'écran n'est pas tout-à-fait cohérent, et l'on soupçonne peu à peu que nombre de ces scènes sont en fait fantasmées, rêvées, par l'un des protagonistes (la lectrice des lettres ? Et d'ailleurs, est-elle vraiment la personne à qui cette correspondance était destinée ?), jusqu'à un final subtil en forme d'élégante suspension. Bref, Hong Sang-Soo fait ici du Hong Sang-Soo au carré, garantissant la jouissance du spectateur, pourvu que celui-ci ait envie de jouer avec lui. Mais tout ceci serait vain sans le fond de "Hill of Freedom", sans doute plus fort qu'à l'habitude : voici en effet une description amusée mais finalement assez acide des rapports entre coréens et japonais, forcés à converser dans un anglais saccadé et simplificateur qui, s'il nous est faussement familier, réduit les échanges à des stéréotypes plutôt drôles (et ce d'autant que, comme souvent, ils sont largement alcoolisés). Chaque rencontre donne ainsi lieu à une mini-saynète intrigante ou touchante, construisant progressivement un portrait émouvant d'une société vaguement égarée entre aspirations naïves (l'amour, toujours l'amour, la liberté, etc.) et trivialité des rapports quotidiens. Gravir la colline de la liberté n'est pas une sinécure.