Heaven Knows What trouve sa niche avec un point de vue original et peu exploité sur les toxicomanes dans une approche qui suscite l’admiration. ♥♥♥½
Au début, il y a un baiser ; passionné, troublé, qui semble autant illustrer la joie que masquer le trouble de la vie des protagonistes. Et aussi la musique, nerveuse, inquiétante, mais aussi rêveuse et évocatrice. Le ton n’est pas donné ; nous nageons en plein mystère. Rapidement toutefois, Heaven Knows What se tournera vers le drame ; en 10 minutes, Harley, jeune héroïnomane new-yorkaise et héroïne du film, sera poussée à faire une tentative de suicide particulièrement graphique.
La table est mise ; on suivra à la traque Harley et ses compagnons de route, toxicomanes aussi mal en point qu’elle pour la plupart. La caméra est intrusive au possible et nous fait pénétrer à l’intérieur de ce monde, de ces personnages et de leur comportement. La musique, si souvent absente d’une approche aussi franche de mise en scène, appui beaucoup le propos en ce faisant se fait nerveuse, voire délirante.
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Dans ses déambulations, Harley fait des séries de rencontres sans grand but. Elle erre de lieu en lieu, d’événement en événement, dans une mise en scène illustrant bien l’objectif de ces éclopés; survivre jusqu’au lendemain. Pour cela, tout y passe : la quête, le vol de courrier ou de médicament et bien sûr, les drogues dures. Symbole de leur perte de repère absolu, les frères Safdie nous font tout autant perdre nos repères en multipliant les rencontres, les incartades ou les situations aussi incompréhensibles pour les spectateurs que les personnages. Celles-ci, comme le film d’ailleurs, ne semblent avoir ni introduction ni conclusion ; les scènes ne sont qu’au service de la psychologie des personnages et de la dureté de leur vie, non au service de la progression dramatique du récit. Les personnages, et par ricochet le spectateur sont donc en plein flottement entre des séances sporadiques de consommation.
Présenté cette semaine au Centre PHI, Heaven Knows What est moins une leçon de mise en scène qu’une exposition, même si malhabile par moments, des possibilités multiples et variées du cinéma. Le générique d’ouverture se fait sur fond d’une scène d’une rare intensité dans l’hôpital ou Harley se trouve pour être soignée et culmine en une confrontation sans mot entre le personnel et les patients représentés uniquement par la musique et la performance physique des acteurs.
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D’avoir pris comme personnage principal celle à partir de laquelle le film est basé et de l’avoir entouré d’acteurs professionnels et de sans-abris véritables est un pari risqué, mais payant. Arielle Holmes est d’une vérité criante à l’écran et on ne saurait distinguer les acteurs professionnels des non professionnels. Ceux-ci, avec la mise en scène franche des Safdie, sont à plus d’une reprise une claque en plein visage du spectateur.
Il s’agit d’un film franc, qui ne prêche pas par excès de sensationnaliste ou de morale, mais plutôt par un désir de réalisme et d’honnêteté. Lorsque, à la fin de son parcours, l’on croit voir une lueur de salut pour Harley, tout s’embrouille à nouveau, non pas pour nous dire que rien n’est possible, mais que rien n’est facile.