Les amoureux de l’Italie aimeront ce film somptueux, l’image sublime de Renato Berta , les décors fastueux des palais ( une partie du film a été tourné dans la demeure de Léopardi à Recanati) , les échappées sur la campagne italienne, les scènes de rue, les petites gens, le bordel troglodyte, les images superbes de Rome, Florence, Naple et autres villes….Ce travail sur l’image, cette osmose entre le réalisateur Mario Martone et Renato Berta, on le retrouve dans cette caméra qui capte les mouvements d’un corps difforme, mais sait s’arrêter sur un visage expressif, curieux, amoureux de la nature …Elio Germano en Giacomo Léopardi habite totalement son rôle et se montre convaincant dans sa manière d’incarner la détérioration physique et la souffrance du poète. Car c’est la vie d’un immense poète que Mario Martone porte à l’écran…un poète méconnu en France mais l’égal de Dante en Italie. Mario Martone insiste sur l’enfance de Léopardi, son éducation auprès d’un père possessif et rigoriste, d’une mère bigote, d’une érudition née au sein de la bibliothèque familiale, son père le comte Monaldo Leopardi possédait l’une des plus grandes bibliothèques d’Italie, atmosphère étouffante qui lui donne l’envie de fuir et dont Léopardi fera l’origine de ses malheurs…la déformation de son corps due aux heures passées dans la bibliothèque…sans doute, mais les causes de la maladie sont plus profondes…On peut aussi comprendre que ce corps qui l’éloignera des femmes ( il ne sera en fait que le « voyeur » des conquêtes de son ami Antonio Raniéri) déterminera une poésie du pessimisme « Les hommes qui sont malheureux par naissance, veulent croire qu’ils le sont par accident » , pessimisme que même ses amis les plus proches comme Piétro Giordani, moine émancipé, écrivain représentant du purisme néoclassique, admiré de Léopardi jeune, lui reproche et qui fera à la fin de sa vie que les assemblées savantes, après l’avoir adulé le rejetteront. Léopardi voyage beaucoup avec son ami Raniéri, révolutionnaire napolitain qui fuit la police, cette errance est accompagnée de difficultés financières et se termine à Naples, malade, il est atteint d’une ophtalmie qui l’empêche de lire et lui fait dicter son œuvre. Il y a quelque chose de fascinant dans le spectacle de cette silhouette qui se recroqueville sur elle-même. Il est surtout poignant d’observer un esprit s’épanouir dans un corps qui s’effrite. Comme si la création n’était qu’une longue lutte contre soi-même. Leopardi n’aura vécu que 39 ans…Le film s’achève sur les images sublimes d’une explosion du Vésuve, les ruines de Pompéi en contrebas…Léopardi à la fenêtre de la villa Ginestre qu’il a fini par accepter d’habiter, et où il composera l’un de ses plus fameux poèmes, le Genêt ou la Fleur du désert, où il veut transmettre un message de solidarité et humain, au-delà de son pessimisme , regarder vers l'avenir, un an avant sa mort ….