Il y a des films comme ça, qui ne vous offrent pas mille et une péripéties, mais qui vous soumettent à une décharge émotionnelle surpuissante. "Umberto D.", narrant la triste histoire d'un ex-fonctionnaire réduit à la plus grande des pauvretés, est de ceux-là. Ici, De Sica ne touche pas au sublime, tout simplement parce que ça va plus loin que ça. Il n'y a même pas de mots tant tout est parfait. Le film baigne dans une atmosphère miséreuse insoutenable pour tout être humain normalement constitué, mais hors de question de tomber dans le misérabilisme et le larmoyant. Tout en collant au plus près de ces âmes en perpétuelle souffrance qu'il met en scène, De Sica fait preuve d'une pudeur qui laisse pantois. Les relations entre les personnages principaux sont réduites à leur plus simple expressions mais confinent au cosmique. A l'image de la relation unissant Umberto et Maria, qui a tout de la relation grand-père/petite-fille alors que, comme en témoignent leurs conversations, ce sont deux personnes qui ne se comprennent pas vraiment. Et puis, il y a cette relation toute particulière entre Umberto et son chien, allant plus loin que l'habituel rapport maître/animal. Au détour d'une scène absolument sublime, Umberto échappera à la fatalité grâce à son ami canin alors qu'il est bien évidemment le seul être qui, en théorie, ne peut l'aider pour se sortir de sa terrible condition sociale. Alors oui, on va me dire que le film pèse bien ses 85 minutes, c'est le cas, De Sica prend son temps, mais quelle importance cela peut-il bien avoir quand, de l'autre côté, il vous sort un film faisant le même effet qu'un coup de fusil en plein coeur ? Échec en son temps, "Umberto D.", s'est depuis vu attribuer des lettres de noblesse qui lui revenaient de droit. J'espère que du côté de chez nos amis transalpins, on incite les jeunes italiens et italiennes à regarder ce film. Ne serait-ce que pour la perfection cinématographique qu'il constitue, il est d'utilité publique.