De films sur la religion, on a eu un magnifique ce mois-ci, avec "Chemin de croix". Mais ici, on tombe de très haut.
Les critiques favorables qui ont accueilli ce film semblaient viser plutôt le projet que le résultat. En un mot, jamais l’Abbaye de Bonneval, dans l’Aveyron, n’avait reçu la visite d’un cinéaste. C’est que l’ordre cistercien "de la Stricte Observance" (sic) n’est pas très ouvert, sauf aux hôtes payants, puisque le lieu a tout de même trente chambres louées aux touristes de passage ! Hormis de cette activité, les religieuses vendent le chocolat qu’elles font fabriquer par un chocolatier professionnel, qui sera l’un des rares personnages du lieu à paraître devant la caméra, avec une petite demi-douzaine de religieuses. Mais cet homme, qui avoue n’être pas religieux, avoir une famille et rentrer chez lui le soir, on ne le verra pas au travail, et on n’apercevra ce qu’il produit que de loin. Quant aux propos qu’il développe longuement, ils sont un peu fumeux et ne nous apprennent rien sur celles qui l’emploient.
Les religieuses ? Parlons-en. Comme elles appartiennent à un ordre contemplatif, on se doute bien qu’elles doivent beaucoup prier et assister à des offices religieux, mais... on ne verra aucune de ces activités, et jamais les noms de Dieu ou de Jésus n’est entendu dans les quelques entretiens qu’elles consentent à la caméra. De leurs occupations journalières, on ne saura rien non plus, et c’est par la bande, d’après une vue d’une ancienne horloge réglant leur emploi du temps, qu’on apprendra qu’elles se lèvent à quatre heures et demie du matin et se couchent à huit heures du soir.
La supérieure du couvent est l’une des rares qui parlent, et qui se montre assez prolixe, mais ce qu’elle dit est du niveau de "La philosophie pour les nuls" : ce qui compte, nous révèle-t-elle, c’est ce qu’il y a à l’intérieur de l’être humain...
Restent les interviews de deux religieuses, plutôt jeunes et vives, surtout la première, qui a 31 ans, était ingénieur dans le civil (elle fabriquait des smartphones et des webcams), et qui a décidé d’entrer au couvent après un séjour d’initiation. Choc pour sa famille et ses amis, qui n’ont pas compris mais se sont fait une religion, si j’ose dire. Elle remarque néanmoins qu’elle "a envie de tout", les beaux vêtements, la bonne nourriture, les distractions... Rien sur les garçons, mais on devine. C’est la seule séquence qui justifie – un peu – de voir ce film, pourtant raté.
Le cinéaste, qui fait là son premier film (c’est une commande du département où il est né), n’est pas très adroit. Ses images en caméra portée sont tremblotantes, et il s’offre sans raison un très long plan fixe et entièrement flou... d’un couloir vide. Le dernier plan est imité d’un film de Raymond Depardon : un interminable travelling arrière pris depuis sa voiture quittant le couvent. Séduit par cette référence, Depardon a beaucoup aimé le film, nous dit-on.