“La matrice du Mal”
Etant un fan de la première heure du triptyque démonique “The Omen”, mais surtout de l’oeuvre matricielle de Richard Donner, la sortie de “The First Omen” , “La Malédiction : Les Origines” chez nous, dans un paysage cinématographique où la “Cancel Culture” est devenue la norme - voire les derniers “Hellraiser” et “Candyman” - ne pouvait que me faire appréhender le visionnage. L’Antéchrist wokiste ayant déjà infecté la plupart des suites, des préquelles, des séquelles, des remakes et autres sagas, je n'étais sûr de rien et à cet instant précis, je n’en attendais pas grand chose. Le fait de passer un moment agréable devant un film pas trop moisi, allait déjà au-delà de mes espérances les plus folles. Après le logo de la Fox (comme à la belle époque) - une vue en contre-plongée du haut d’un échafaudage sur lequel s’affairent des ouvriers - un homme d’église apparaît à l’approche d’un édifice religieux. Cette silhouette toute de noir vêtue n’est autre que celle du Père Brennan (Ralph Ineson “The Witch”), Patrick Troughton dans “The Omen” de 1976. D'emblée, devant la caméra d'Akasha Stevenson (dont c’est ici le premier long-métrage), il souffle sur les premières images, comme un vent de déjà-vu dans le bon sens du terme, de quoi rassurer le quinqua que je suis. Pour l’heure, le récit nous plonge à Rome, en 1971 en pleine révolte populaire. Ce changement de paradigme sociétal post mai 68, annonciateur des Brigades Rouges, aura toute son importance dans la suite des événements. Ainsi, une ambivalence flagrante touche la capitale italienne. D’un côté le profane (la jeunesse qui manifeste dans les rues) s’entrechoque avec le sacré (les monuments de la ville éternelle dédiés au catholicisme). L’ensemble se voit magnifié par la sublime reconstitution de l’époque. C’est dans ce contexte explosif que nous est présentée la novice Margaret (Nell Tiger Free), une orpheline américaine qui a grandi dans l’institut du Cardinal Lawrence (Bill Nighy). Celui-ci s’est mué en figure paternelle pour la jeune fille depuis sa plus tendre enfance, ce qui conforte encore plus le malaise ambiant qui s’installe. Margaret fraîchement débarquée à Rome est reçue par Lawrence en personne. Avant que ses vœux ne soient ordonnés, Margaret rejoint un orphelinat de filles dirigé par sœur Silvia (Sonia Braga). Sur place, la novice fait la connaissance de la jeune Carlita Scianna (Nicole Sorace), une étrange pensionnaire à l’écart du groupe. La réalisatrice accompagnée de ses scénaristes (Tim Smith et Keith Thomas), d’après une histoire de Ben Jacoby, mettent en image des lieux, des événements et des personnages dont on avait imaginé l’existence lors des épisodes précédents, permettant de rentrer de plain pied - par le prisme de la genèse - dans l’univers créé par David Seltzer il y a de cela cinquante ans. Au même titre que les opus de Richard Donner, Don Taylor et Graham Baker qui avaient su instaurer en leur temps, une atmosphère délétère allant crescendo lors de scènes de morts brutales, “The First Omen” (sans prendre en compte le téléfilm de 1991, le pilote d’une série avortée de 1995, le remake de 2006, et la série TV de 2016), n’est pas en reste, loin s’en faut. Des images chocs viendront imprimer nos rétines pour un bon bout de temps, lorsque les adeptes de la bête se sentiront menacés. Avec “Ave Satani”, l’extrait emblématique de la B.O au millésime demi-centenaire, du grand Jerry Goldsmith, nos oreilles seront elles aussi flattées. Deux heures durant, Akasha Stevenson qui s’était fait la main sur des séries telles que “Channel Zéro” et “Légion”, réussit l’exploit de nous faire ressentir des émotions de cinéphiles que l’on pensait enfouies depuis longtemps. La jeune réalisatrice américaine ravive même notre mémoire lors d’un instant suspendu dans le temps faisant le lien avec le long-métrage de 1976. Si j’avais l’esprit chagrin, je serais déçu par la fin ouverte qui laisse la place - et je ne l’espère pas - à l’avènement - non pas de l’Antéchrist - mais d’une nouvelle saga !