Rossy de Palma et Denis Lavant ne forment pas le couple le plus glamour du cinéma français, et pourtant… pourtant ! Tous deux irradient comme la braise, incandescence timide au début qui retrouve force et vigueur à la mesure d’un récit pour le moins décousu. Rien que par leur présence magnifique (et je n’oublie pas Claire Nebout trop peu et mal servie au cinéma) le film a le mérite d’exister. « Graziella » n’est pas très au point. L’accumulation d’incongruités de tous ordres, un découpage d’une mollesse tétanisante, une mise en scène manquant d’implication, plombent ce qui aurait pu, ce qui aurait du être un formidable film noir. Nous sommes plus proche, dans la filmo de Charef du ratage de l’oublié « Miss Mona » (actions répétitives, apitoiement…) que de l’insolent et rafraichissant « Thé au harem d’Archimède », son premier film dont il ne s’est jamais tout à fait remis. Pour autant, il est difficile d’accabler le réalisateur car il a un don unique, de créer d’extraordinaires personnages sombres et perdus, et d’exhorter, de fait, chez ses acteurs une prestation unique et flamboyante, de Carmet (inoubliable en trans dans « Miss Mona) à Remi Martin (scotchant dans « Camomille ») ou encore Muriel Robin (saisissante dans « Mari-Line). De Palma et Lavant, ou Graziella et Antoine, titillent notre corde sensible tous cassés par la vie qu’ils soient, aussi désœuvrés qu’épatants. Elle « belle comme un Picasso », lui au charme fou d’un Cézanne ». Et notre imagination de faire le reste, à défaut de celle de l’auteur, pour imaginer ce que l’on ne voit pas à l’écran, plus encore de ce qu’il adviendra au bout de cette longue route où pointe une aurore idéale. Ce film est comme un chat des rues, hirsute, éclopé, sauvage… mais il vient à vous, vous cueille et l’on a qu’une envie, l’adopter !