Et soudain dans un tourbillon de couleurs et de paillettes
Un film de Baz Luhrmann est toujours un évènement. A tort et à raison. Il faut dire qu’il se fait rare et qu’il y a toujours chez lui quelque chose d’épique. Elvis ne fait pas exception.
C’est presque toute la vie du King qui nous est racontée, depuis son coup de foudre pour la musique à sa mort à Memphis en 1977.
Dans un biopic, la question du point de vue est essentielle puisqu’un film, aussi long soit-il (et celui-ci dure quand même 2h40) ne peut être exhaustif. Luhrmann choisit de laisser la parole au Colonel Parker, le controversé imprésario d’Elvis. Il s’agira alors de démontrer comment le King a été créé par Parker et comment on ne peut donc pas l’accuser d’avoir tué ce qui sans lui n’aurait jamais existé. Casse-gueule. Du coup, on n’échappe pas à un des poncifs du genre, la voix off un peu lénifiante qui comble les trous, remplit les ellipses. Tout comme le déroulé de lieux et de dates inscrits à l’écran dans un style parfois tapageur. Sur la forme donc, c’est un biopic classique et c’est dans l’artifice que Lurhmann a l’ambition de bouleverser le genre. Le récit décrit les phases lumineuses et les phases sombres, comme on peut s’y attendre. Une histoire intéressante par ailleurs. En creux, outre l’histoire du jeune Elvis, c’est aussi l’histoire du sud. L’opposition politique à Elvis est autant due à l’évolution à venir des mœurs qu’à son influence rythm and blues, musique dégénérée comme on disait en d’autres temps. Son existence même et son succès plus encore sont le symbole d’un pont entre les communautés dans une époque troublée, dans une Amérique qui se cherche encore et toujours. Le film décrit assez bien tout ça, même si ce n’est pas le sujet premier. Mais le temps fort est toujours celui de la scène, du show. Les véritables morceaux de bravoure sont là. C’est fiévreux, impressionnant, émouvant et l’on ressent nous aussi cette fascination soudaine que ces jeunes filles découvrent dans une excitation presque sexuelle. Un constat valable tant et surtout sur la première vraie scène de live que sur l’ensemble des scènes musicales. Le jeu d’Austin Butler n’y est pas étranger, son physique non plus. En dehors de ces moments d’euphorie le récit semble parfois filer à toute vitesse ne laissant pas le temps de connaître les personnages. Autour d’Elvis, tous semblent être vides. On ne sait pas qui ils sont et ils ne sont pas caractérisés. Elvis lui même, si délicieusement mystérieux au début du film, devient un inconnu au regard creux le film avançant. Tel un fantôme diront certains mais à mon avis c’est surtout un manque d’écriture qui favorise événementiel et le spectaculaire au psychologique. Alors quand la fatalité se présente, on ne ressent pas grand-chose pour ce personnage qu’on ne connaît finalement pas après l’avoir côtoyé pendant 2h30. Et la mise en scène dans tout ça ? C’est du Luhrmann. Ça va à fond les ballons, le montage est frénétique, les couleurs jaillissent, tout est dans l’emphase et même les temps morts sont pensés pour être des climax. Or, quand tout est climax, rien ne l’est. Le résultat est donc logiquement fatigant et on sort de là avec des images (trop) plein la tête, de la musique plein les oreilles mais éreinté de tant de sollicitations. Au rayon musical, à l’image du reste, c’est le zapping permanent et l’on aura pas droit à plus d’une minute de la même chanson (à l’exception d’It’s all right). On s’amusera de toutes les bidouilles sonores et musicales très luhrmanniennes, entre remix et reprise, entre rock ‘n’ roll et rap/RnB. C’est souvent réussi même si parfois ça sonne faux. Enfin, un mot concernant le jeu de Tom Hanks, très très bon comme souvent et ici parfait salaud.
Bon, au final, ça dit quoi ? Ça dit que décidément, le biopic n’est pas un genre facile même s’il est sûrement le plus facile à vendre. Néanmoins, on tient là un bon moment avec de franches réussites et aussi beaucoup d’erreurs. Les fans de Baz Luhrmann y trouveront leur compte. En ce qui me concerne, ne faisant pas partie de cette catégorie, j’aurais aimé plus de fond et moins de d’artifice, plus de modestie et moins de tape-à-l’œil. J’aurais voulu un film qui a décidé de nous raconter une histoire plutôt qu’une démonstration pop.