Sur le papier, si B.Luhrmann devait rencontrer E.Presley, on ne pouvait que s'attendre à une explosion musicale visuelle hallucinante. Aujourd'hui à l'écran, les promesses de cette rencontre sont au rendez-vous. Le réalisateur qui filme les paillettes et la flamboyance comme personne ("Moulin Rouge", "Gatsby, le Magnifique"), hors-pair dans la mise en scène hyper-chorégraphiée et la surenchère clipesque, avait néanmoins un mythe à mettre en image. Et pas n'importe quel mythe! Elvis Presley était dans une certaine démesure qui sied tant au réalisateur australien: la rencontre, évidente, ne pouvait que fonctionner et faire des étincelles. Les meilleurs scènes du film sont dans la reconstitution des concerts du rockeur, où A.Butler crève l'écran par son mimétisme, son énergie et son aura, en mettant au placard les milliers de contre-façons jusqu'à présent filmées. Au delà de cette mise en scène folle, et de son excellente BO parfois modernisée, c'est l'orientation prise par l'histoire qui est également intéressante: "Elvis" porte finalement mal son nom, car le chanteur-acteur est presque un personnage secondaire. Le vrai personnage de cet "Elvis", c'est Le Colonel Tom Parker (magistral T.Hanks, sa prestation est dantesque). C'est l'histoire de son impresario et de sa marionnette chanteuse. C'est l'histoire d'un roublard qui a manipulé le Monde et construit le mythe. Et l'histoire d'un mythe dans une Amérique en plein bouleversement culturel et sécuritaire (Elvis, c'est l'Amérique!). Et dans toutes ces histoires et manipulations en tout genre, qui est donc Elvis Presley? C'est là le petit point faible de ce film: on ne sait pas vraiment qui il est et ce qu'il ressent. On le glorifie, on le dirige, on montre un peu ses failles, on égratigne jamais l'icône, on le met uniquement en scène. Il n'a jamais autant lui-même avant sa rencontre avec le Colonel. Après, il n'est que l'image qu'on veut de lui, c'est en tout cas en ça que se limite le film. On ne le découvre jamais dans une intimité, on échappe à toute émotion le concernant. On retient donc de cet "Elvis" un magnifique film, hommage rutilant à la démesure de la légende, déviant du biopic conventionnel pour encore mieux construire un mythe. Un spectacle magnifiant qui cherche à briller quoi qu'il arrive, quitte à abandonner la personnalité pour ne montrer que le personnage. Mais les paillettes brillent à souhait et remportent la mise.