I want you ?
L'Afghanistan. Une guerre qui n'en finit plus. Un échec, comme l'Irak. Une guerre que David Michôd a décidé de montrer dans ce qu'elle a de plus absurde et de le faire par l'absurdité. C'est bien l'absurdité, c'est drôle. C'est d'autant plus drôle quand elle s'attaque à quelque chose de léger. Mais quand elle sert un triste constat en trifouillant sans vergogne dans les plaies d'un sujet sérieux, elle nous laisse dubitatif, partiellement séduit, mais dubitatif.
War Machine est à la fois un film drôle et désœuvré. Drôle car c'est le ton de ses personnages principaux que l'on pourrait aisément qualifier de guignols sincères. Brad Pitt en est le porte-parole, le leader, sous les traits un brin agaçant d'un général yankee grimaçant, que dis-je, DU général yankee grimaçant, Glen McMahon, le Glenimal, sorte de parodie sur le déclin du Lieutenant Aldo Raine d'Inglorious Basterds et alter-ego du très réel général Stanley McChrystal, commandant des forces armées en Afghanistan en 2010.
Accompagné de sa garde, il est envoyé en Afghanistan pour reprendre le flambeau de son prédécesseur présenté brièvement comme un incapable. Sa mission, celle dont il semble investi : sortir les Etats-Unis d'un bourbier, d'une guerre sans fin, d'une guerre sans ennemis identifiables, une guerre dont personne ne veut, un fiasco qu'il pense encore pouvoir sauver. Son crédo : être le meilleur, en être persuadé malgré son humilité, une humilité qui disait : « mon humilité me rend meilleur que vous ».
Satirique à souhait derrière la voix-off pleine de sens d'un mystérieux narrateur et les discussions lunaires, le film, librement inspiré du roman The Operators du journaliste Michael Mahon Hastings, dépeint la non-ingérence de la grande Amérique. En quelques répliques, tout le mépris et l'ignorance des politiciens pour un pays qu'ils ne sauveront pas nous donne à sourire (car après tout, ne reste-t-il pas plus que ça à faire) contrairement à ce pauvre entêté de général tueur de terroristes Glen. Obnubilé par la victoire et presque touchant, il se débat face aux hommes de paille du président au milieu de manœuvres politiques dont le seul but pour l'Amérique est de ne pas trop se taper la honte. Et ses convictions inébranlables, son acharnement obsessionnel lié à sa légende finissent par créer un sentiment de malaise emprunt de pitié, sentiment relayé dans les derniers instants par la seule scène de guerre de ces deux heures dans laquelle, des soldats désemparés, conscients d'être les bras armés d'une cause perdue, viennent se confronter à leurs ennemis.
Au final, cette production Netflix, pour ma part l'une des meilleures de la plateforme, est un peu déstabilisante car elle oscille perpétuellement entre un humour à froid grinçant et une situation aberrante qui rappelle Les Rois du Désert. 20 ans plus tôt, David O. Russel s'attaquait à la guerre en Irak et reprenait un peu cette même dynamique accrocheuse, avec une entrée en matière sous la bannière d'un humour ravageur vendeur qui laissait petit à petit place à une réalité plus dramatique.
War Machine, comme Jarhead, la série Generation Kill ou les Rois du Désert, remanie à sa façon la célèbre phrase accrocheuse de l'oncle Sam :
"I want you not so much"