Encore un documentaire coup de poing, peut-être pas aussi fort qu’Au Bord du Monde de Claus Drexel. Comme Emmanuel Gras avait posé sa caméra au sein d’un troupeau de vaches dans Bovines, sans apporter le moindre commentaire, là avec Aline Dalbis, sa caméra observe. Tout : les regards, les paroles, le silence, la solitude, le réfectoire, les dortoirs, la cour intérieure, seul espace de liberté. Ils ne cherchent rien à cacher, à adoucir, puisqu'il n'y a plus aucun angle à arrondir, ils se gardent de juger. Ni interview, ni voix off…Chaque nuit, contre deux euros ou deux euros cinquante ( si j'ai bien compris) , trois cents hommes parfois cabossés, éclopés, psychotiques, mais aussi dans la force de l’âge, ou même très jeunes, à qui la vie a tout pris ou encore rien donné, franchissent le seuil du foyer d'accueil Saint-Jean-de-Dieu. Les règles sont strictes, le personnel parfois un peu rude... pas d’alcool, pas de disputes…alors que l’atmosphère est parfois électrique…Frère Didier, chargé du bon fonctionnement de cette cour sans miracles (même si réinsertion figure dans l’appellation du centre Forbin), est parfois excédé et essaye de retrouver avec les trois ou quatre frères qui l’assistent, la paix dans la chapelle. A aucun moment on ne trouve la moindre marque d’irrespect, les « pensionnaires » sont nommés par leur nom et prénom, le vouvoiement semble de règle, loin d’être anonymisés, le film réinstaure ces individus dans leur personnalité propre et reste assez court pour ne pas nous transformer en simple voyeur…