Manifestement, Jessica Hausner est une grande admiratrice de Mikael Haneke. Las! il ne suffit pas de copier les procédés de ce cinéaste majeur (distanciation, froideur de l'œil qui filme, relative opacité des personnages) pour en avoir le talent.... C'est à un assassinat post-mortem de Heinrich von Kleist que nous assistons avec consternation.
On connait bien en France ce dramaturge romantique, dont nombre de pièces ont été montées (Gérard Philippe dans le Prince de Hombourg...), sans oublier le beau film d'Eric Rhomer: La marquise d'O..... interprété par la lumineuse Edith Clever et l'excellent Bruno Ganz, éclairé comme des oeuvres d'Ingres par Nestor Almendros. Film dont on se souvient, et dont, manifestement, Jessica Hausner s'inspire aussi dans la composition de ses tableaux. Plus récemment, Arnaud des Pallières (après Volker Schlöndorff) a également réalisé un épatant Michael Kohlhass.... C'est dire si nous l'estimons, cet auteur dépressif!! Je crains donc que ses nombreux admirateurs ne trouvent par leur compte dans le portrait d'autiste obsessionnel qu'on nous propose ici....
Il s'agit de la dernière période de la vie de Kleist, précédant son suicide, en compagnie de sa maitresse, Henriette. On imagine donc l'écrivain (gravement dépressif, ça on le sait, quoique fort actif et prolifique) obsédé par l'idée de se suicider en compagnie d'une chérie. Henriette n'est pas le premier choix: il offre le poste à Marie, une cousine qui aime bien discuter philosophie avec lui et qu'il imagine donc amoureuse: elle ne le prend pas au sérieux, et même si elle est d'accord pour dire que, philosophiquement, la vie est une horreur, elle n'entend pas la quitter de sitôt... Il se retourne donc vers Henriette (Birte Schnoeink), jeune bourgeoise cultivée, musicienne.... qui souffre d'évanouissements. La faculté, qui n'a pas fait semble t-il beaucoup de progrès depuis Molière, détecte un cancer fort avancé.... à moins que cela ne soit juste un problème nerveux.
Christian Friedel ressemble étonnamment à Kleist, d'après ses portraits. Engoncé dans ses cols, le visage uniformément grognon, le regard fixe, il dispute à Henriette l'oscar du plus mauvais acteur. Je crois que les deux malheureux sont simplement très mal dans ce qu'on leur demande, voix monocorde, faciès inexpressif....
Pourquoi Henriette suivrait elle ce si peu séduisant personnage? Elle a un très charmant mari, Friedrich (Stephan Grossman, le seul qui n'ayant pas l'air d'un parfait robot, sauve un peu la distribution), une ravissante fillette qui partage avec sa mère le goût de la musique, et elle ne souffre pas! On se demande bien ce qui, dans ces conditions, la pousserait à devancer l'appel.....
Plus qu'un mauvais film, c'est une mauvaise action pour les protagonistes du vrai drame. Avec lequel il n'a évidemment rien à voir. Fuyez!!
Je ne mets pas zéro à cause de la beauté de la plupart des scènes -directement pompées chez Rohmer /Almendros donc....