Paterson est un film complexe car il est plutôt ennuyeux mais porte de bonnes intentions. En d'autres termes, il divise. Il est vrai qu'il s'avère plutôt difficile de suivre pendant près de deux heures cet anti-héros interprété avec talent par Adam Driver et son quotidien morne pendant lequel il ne se passe rien, mais absolument rien. Jim Jarmush promène sa caméra dans la ville de Paterson de manière aussi lente que son film et impose un calme sidérant, prospère à la réflexion.
Et c'est là également la force du film: faire de cet ennui apparent un thème clé de son scénario, simpliste, qui porte sur sept jours de la vie du protagoniste. L'ennui, c'est cette routine qui s'installe, l'ennui, ce sont ces moments banals. Mais de cet ennui, Jarmush arrive à tirer des instants de grâce que l'on doit aussi à cette galerie de personnages très intéressants au-delà de ceux que l'on retrouve. Et ainsi, l'on peut comprendre le sens du message que veut faire passer le réalisateur dont le film lourd cache de louables intentions. Jarmush parvient à faire de petits moments de la vie des moments où le personnage principal se libère de sa routine et s'évade. Tous ces personnages qui n'apparaissent qu'une seule fois dans le film renvoient à notre vie de tous les jours, à ces personnes que l'on ne croise également qu'une fois dans notre vie mais dont on arrive à capter des bribes de conversations. Le film nous incite donc à faire plus attention à l'environnement qui nous entoure et à avoir une oreille plus attentive. Cela révèle un côté profondément humain à ce long-métrage dont nous retenions alors seulement l'ennui, et nous citerons la scène brillante où Adam Driver rencontre cette petite fille qui lui lit un de ses poèmes.
Mais la poésie est très mal utilisée alors qu'elle représente LE thème du film. Si celui-ci est très poétique dans son atmosphère, son calme, sa réalisation ou encore sa fin judicieuse, les poèmes qui apparaissent à l'écran sont plutôt pesants et apportent un peu plus de lourdeur à un film qui n'en manquait pas. Ils n'ont alors pas l'effet qu'ils auraient dû avoir, c'est-à-dire, nous sortir, à l'instar du protagoniste, de cette routine et de ce quotidien inintéressants. Le seul instant où la poésie est bien utilisée est la scène de la petite fille pendant laquelle les quelques vers qu'elle prononcent provoque un réel effet sur le spectateur. Ainsi Paterson déçoit sur ce sujet et ne nous transporte pas, restant les pieds sur le sol, rattrapé par un scénario contraignant qui referme une boucle au bout de deux heures sans avoir accompli sa mission et dont la force reste ses dialogues et ses personnages bien écrits et très attachants, comme le chien qui finit par devenir un personnage à part entière et dont les ressorts comiques du film finissent malheureusement par ne s'appuyer que sur lui. Ainsi, le film a de bonnes intentions mais pêche par sa linéarité.