Les Animaux Fantastiques : Les Crimes de Grindelwald.
Joyeux sombre retour au royaume des sorciers de J.K.Rowling. C'est avec plaisir et intrigue que nous nous plongeons une nouvelle fois dans l'univers magique de l'auteur à succès qui poursuit cette fois-ci les aventures de ses étranges créatures, mais pas que.
En effet, si le film est bel-et-bien la suite des Animaux Fantastiques, les créatures en question restent une nouvelle fois un beau prétexte pour entraîner les spectateurs dans les coulisses d'une plus grande histoire. Il s'agit, comme le titre nous le laisse deviner, des sombres affaires de Grindelwald qui menace la paix entre le monde des sorciers et celui des non-magiques (oui, oubliez le terme moldu, car malgré une action se déroulant à Paris les magiciens français ne l'utilisent pas, préférant traduire sa version américaine). Là où le premier film suivait délibérément les actions de Norbert (Newt en VO) et de ses amis les bêtes, en parallèle des étranges manigances de mage-noir, nous sommes cette fois témoins de la quasi disparition du personnage dont l'influence et l'implication sont inexistantes. À l'image du titre du film, le rôle de ces animaux, et donc celui de Norbert, est drastiquement réduit, rendant totalement accessoire l'arc narratif qui constituait les fondations de cette nouvelle saga. Oui, il y a des animaux magiques, mais bien parce qu'il était impossible de s'en débarrasser étant donné leur forte présence dans le premier volet. Nous voilà donc avec un magizoologiste qui assiste malgré lui à des événements qui ne le concernent pas et ce pour les uniques besoins de la continuité. Ce retrait progressif aurait pu être une aubaine permettant une meilleure narration, moins brouillonne cette fois, afin de se concentrer sur ce qui nous intéresse vraiment : Grindelwald.
Seulement voilà. Il faut faire cinq films. Prenant en compte cette donnée, le rallongement artificiel du récit devient évident, gênant même. Il faut combler un film qui n'existera pas en lui même, mais dans un tout. Nous nous retrouvons ainsi avec un épisode de série qui met progressivement en place des éléments qui seront utilisés à l'avenir. C'est le modèle d'aujourd'hui, c'est celui qui fonctionne. On ne le constate que trop bien quand on à tous au moins une fois regardé un film Marvel. Toutefois cette construction n'est pas obligatoirement un problème. Bien gérée elle peut tenir en haleine durant des suites et des suites. Mais quand il n'y a rien à raconter, cela devient plus difficile. C'est malheureusement ce qui se passe ici. Les animaux sont accessoires, sympathiques à observer mais trop creux pour satisfaire. La quête de Grindelwald et de ses nemesis prenante, mais trop courte pour combler autant de suites. C'est ainsi qu'interviennent nombre d'intrigues inutiles qui s'embrouillent et s'entremêlent pour pas grand chose. Des situations alambiquées menant à des dénouements basiques, qui eux seulement feront avancer l'histoire principale. De plus ces intrigues là sont plutôt mal menées, car elles ne donnent jamais assez d'informations pour investir suffisamment le spectateur qui se contentera d'attendre patiemment le prochain point culminant pour enfin reprendre le fil central de tout ça. Cette complexité totalement artificielle et vide noie alors tout l'intérêt du film qui devient cet épisode de série dont je parlais précédemment. Il faut rallonger, alors il faut parsemer d'embuches le chemin qui paraissait pourtant clair. Cet épisode, comme tout épisode, doit présenter pour bien préparer ses suites. Mais ici ça ne marche pas correctement, créant alors une sensation de lourdeur injustifiée qui éloigne le spectateur de ce qu'il est venu voir originellement. En bref, ce n'est donc pas un très bon épisode.
De plus, ce scénario que l'on pourrait qualifier d'aussi torturé que Croyance, personnage à l'évolution obscure, sous exploitée et franchement pas intéressante pour un sous, souffre de certains défauts d'écriture presque palpables. Des personnages qui se croisent au bon moment, de longues discussions tranquilles dans des lieux dangereux, une Auror qui fuit la sécurité de son propre ministère sans raisons particulières. Tant de petites choses qui viennent saccader un récit déjà bien trop occupé à détourner l'attention vers des choses peu attrayantes. Pour couronner le tout, une petite touche de retournements de situations tirés par les cheveux et des révélations aux effets de pétards mouillés.
Autre aspect particulier à traiter, les références nombreuses à la saga qui nous a accompagnés pendant 10 ans. Ainsi nous revisitons volontiers des lieux familiers, nous revivons avec plaisir des scènes déjà vécues mais toujours aussi agréables et nous entendons constamment des noms ou des références à cet univers qui nous plaît tant (les couloirs de Poudlard, les cours de magie, des personnages ou objets connus...). Mais ce « fan-service » peu parfois venir empiéter sur le sens profond de cette histoire nouvelle qui mérite sa propre identité, surtout quand il est créateur d'incohérences assez perturbantes (Une professeur McGonagal pas encore née ? Un Dumbledor trop jeune ?...) Rien de bien méchant tout de même, mais des petites questions qui viendront sûrement titiller les plus aguerris.
Malgré la certaine difficulté à se laisser prendre par ce récit qui se cherche encore, il est évident que le film brille de par son univers. Toujours aussi fabuleux, il est indéniable que le monde magique de Rowling fonctionne toujours autant, surtout lorsqu'il bénéficie d'un contexte historique original et d'un traitement plus mature. Les effets spéciaux sont là, le spectacle aussi. On prend plaisir à admirer les milles et une merveilles que dissimule le monde des sorciers, à découvrir de nouveaux lieux et même de nouvelles créatures qui renforcent l'aspect international et diversifié de la magie. La vision plus adulte permise par les personnages qui ne sont plus sur les bancs de l'école offre par ailleurs une toute autre envergure à cet univers de plus en plus vivant.
Enfin, véritable atout de ce chapitre, Johnny Depp qui donne vie à un méchant classique mais efficace. De son charisme habituel l'acteur vient poser les bases d'un grand schisme chez les sorciers. Ses motivations, son ambition, ses manigances subtiles sont le véritable intérêt de cette histoire. C'est bien cela que l'on veut voir, et on ne s'y trompe pas lorsque surviennent les 15 dernières minutes du film qui mettent en valeur la force de ce personnage si imposant. Classique, mais puissant, Grindelwald lui même est bien l'une des raisons qui permettent au film de tenir. On regretta donc de le voir évanoui dans ce labyrinthe de quêtes annexes que nous devons subir longuement avant de pouvoir nous pencher véritablement sur lui. Quand cela arrive, nous profitons d'un moment vraiment intense et intriguant qui s'achève en inévitable «La suite au prochain épisode».
Pour conclure, Les Animaux Fantastiques : Les Crimes de Grindelwal est un film qui souffre des fragiles fondations de son aîné et d'un besoin flagrant de faire durer le plaisir pour les prochaines fois. Sa partie la plus intéressante se voit ainsi masquée par d'interminables sous-récits très peu prenants tout en étant partiellement sauvée par ce monde formidable de magie ainsi que par un méchant de qualité qui nous offre de bien belles promesses. Espérons qu'il les tienne.