Le titre du film vient d'un "personnage" qui conclut son propos d'une manière très affirmative : "J'ai pas changé de bord !", sous-entendu politique. Christian Blanchet tient son titre.
"Après l'invitation", sorti en 1999 présente Christian Blanchet retrouvant ses anciens amis de lycée. Qu'étaient-ils devenus ? Ont-ils quitté la Basse Normandie comme lui, qui était "monté" à Paris pour faire du cinéma. Sont-ils restés ? "Après l'invitation" se livrait à une sorte d'inventaire, mais sans jugement aucun.
Avec J'ai pas changé de bord, Christian Blanchet retrouve les mêmes personnages. Le tournage débute le jour de la victoire de Nicolas Sarkozy, en 2007. Le film est alors sur un autre "bord", celui de la politique. Le tournage dura cinq ans, le temps d'un quinquennat présidentiel, jusqu'à l'élection de François Hollande.
Située en Basse-Normandie, Avranches n'échappe pas à la banalisation actuelle du Front National. J'ai pas changé de bord enregistre cette lente mais inévitable évolution, qui s'accroit avec le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Trois dames d'un certain âge, croisées dans le jardin public, remarquent que le temps est mauvais et l'une d'entre elle dit alors : "c'était "bouché" comme ça en 44 quand il y eu les bombardements". Christian Blanchet croit au hasard documentaire, J'ai pas changé de bord prend la direction de l'histoire...
Chaque conflit national se répercute localement, Avranches, ville miroir de la société, fut partiellement détruite à la Libération. Marquée par cette déchirure de l'Histoire, en 2010, des manifestants contre la réforme des retraites enrubannent le buste du général Patton qui libéra la ville. Sur un drap blanc est écrit en rouge "Casse-toi pauvre con". Le tournage amène un nouveau questionnement : l'Histoire ne précède-t-elle pas la politique ?
Le soir de sa défaite en 2007, Ségolène Royal déclare : "Mais je vous dis que quelque chose
s'est levé, qui ne s'arrêtera pas", pour elle s'est une victoire. Ce jour-là, elle rappelle que pour faire de la politique, il faut y croire, parfois même au-delà du raisonnable, du réel. Cette phrase, Christian Blanchet la reprend à son compte pour constater que la politique n'est plus vraiment une affaire d'idéal. Appartenant à cette génération politisée, issue des années 70, lui et ses anciens camarades de lycée, croyaient à la politique. Mais aujourd'hui, qu'en est-il ? J'ai pas changé de bord tente d'y répondre.
J'ai pas changé de bord a été visionné par celles et ceux qui se sont dévoilés à la caméra.
Lorsqu'un ouvrier sortant de la projection dit "Impeccable", c'est pour Christian Blanchet une gratification mais aussi une certitude que le pari est gagné avec ce film.