Intéressant et courageux, voici les deux mots qui me viennent en premier lieu à l’esprit après avoir vu ce film, entièrement financé par crowdfunding (à peine 50.000$ de budget) "Starry Eyes" se révèle être un horror-movie satisfaisant et nettement à l’écart du marché actuel, les réalisateurs Kevin Kolsch et Dennis Widmer prennent le risque de proposer quelque chose, et c’est à saluer, j’aime ce genre de prise d’initiative pour tenter de faire bouger les choses, le genre en a tellement besoin, et même si leur film est loin d’être parfait ça a clairement le mérite d’exister et d’être visionné par le plus grand nombre d'adeptes.
Il nous raconte l’histoire de Sarah, une jeune actrice comme tant d’autres à Hollywood, survivant grâce à un boulot alimentaire de serveuse dans un fast food où au milieu de ses amis artistes se jalousant sans cesse entre eux tente de percer en démarchant les auditions. Un jour elle tombe sur une annonce pour un long métrage mystérieux, "The Silver Scream", elle s’y rends dans l’espoir de devenir l’une de ses idoles de l’âge d’or qu’elle affiche au mur de sa chambre. Nerveuse et tourmentée elle s’exécute face à un jury froid et implacable, touchée par une douce folie elle arrive à le convaincre de continuer l’aventure pour y rencontrer le producteur, au contact de cet étrange personnage lui demandant de quitter son corps pour renaitre sous une autre forme elle va alors littéralement sombrer dans un véritable cauchemar.
Si il y a bien une chose qui est indéniablement réussie dans ce film c’est l’ambiance, bercée par une bande son électro envoutante elle fascine dès les premières minutes et restera constante tout du long, la réalisation est d’ailleurs bourrée de bonnes idées, rien qu’au générique d’intro avec ce lettrage très 80s (à l'image de l'affiche) on sent qu’il y a des références et que le projet est sincère, le film garde une vrai personnalité et une authenticité, et ça fait plaisir. Ensuite l’actrice principale séduit par sa simplicité et son naturel, son interprétation est brillante, elle porte ce personnage féminin complexe qui est rongé par une sorte d’hystérie intérieure, s’arrachant des touffes de cheveux par anxiété, c’est d’ailleurs pourquoi elle est engagée pour ce rôle si particulier, l’équipe du film s’y intéresse et veut exploiter ce sentiment, on comprendra un peu plus tard leurs véritables intentions.
Le scénario démontre bien ce narcissisme de l’actrice batailleuse et prête à absolument tout pour réussir, de la désincarnation pour l’élévation, Sarah est à la base une fille réservée qui tente d’exister dans son cercle de petits camarades, elle est soumise à son patron, presque comme un objet cliquant et sexy de présentation, mais cette attention soudaine d’une production importante va la transformer, et c’est là que la symbolique est intéressante car ensuite ça vire à l’ésotérisme et au fantastique, car ces gens inquiétants, vont se révéler être les membres d’une sorte de société secrète satanique, lui promettant une nouvelle naissance dans un monde fait pour elle.
S’en suit une descente aux enfers macabre et malsaine, une transformation autant physique que psychologique, un stade de transmutation sans doute inspiré de "La Mouche" de Cronenberg, à ce niveau là le maquillage est assez bluffant, et l’éclairage prend le relai pour donner une plasticité au cadre pour rendre une atmosphère purement horrifique sans artifices grossiers, c’est réussi. On ne cesse de se questionner du pourquoi et du comment ainsi que du but de cette évolution, quel est réellement ce culte ? Au final nous n’avons que très peu d’éléments pour assimiler tout ça, et la dernière partie du film va quant à elle passablement peiner pour nous donner des réponses, c’est d’ailleurs le point faible du scénario. Nous sommes cependant servis en effets gores, d’une qualité somme toute admirable, franchement le budget a été très judicieusement utilisé, le cauchemar sanglant atteint ici son paroxysme et la mise en scène va même se révéler maitrisée et axée dans un réalisme morbide réjouissant.
Pour ce qui est de la fin je suis un tantinet partagé, encore une fois j’insiste sur le fait que ce groupuscule marqué d’un pentacle n’est pas assez développé, du coup il semble ne rester qu’un faire-valoir pour garantir le thème de la renaissance de l’actrice-studio se débarrassant sauvagement de sa concurrence, et que faut il réellement penser de sa nouvelle enveloppe corporelle ? Doit on aller jusqu’à la qualifier de réincarnation du Diable en personne avec ses yeux verts profonds et ensorcelants ? Possible, mais même dans ce sens l’allégorie serait poussée un peu trop loin.
Enfin "Starry Eyes" reste néanmoins une très bonne surprise pour un film d’horreur de 2014, il faut dire qu’on nous propose tellement rarement ce type d’objet singulier qu’on aurait tort de bouder son plaisir, rien que pour cette ambiance tellement remarquable et pour la magnifique prestation de son actrice principale Alex Essoe qui ferait presque résonner une mise en abimes rendant le long métrage encore plus intéressant dans son propos sur le statut de comédienne dans ce monde impitoyable et bestial d’Hollywood. Pouvons nous être en également en droit d'espérer une renaissance du genre ? ... Là ça s'avère plus compliqué.