René Schérer résume pour nous quelques-unes des lettres qu'il associe à des idées philosophiques. Le F devient fiction parce que "la droite mathématique et le cercle sont des fictions. Ils n'existent pas dans la réalité. C'est la fiction qui est la réalité même". Le J signifie la joie car "découvrir une idée, avoir une idée, c'est là que la joie se manifeste. Sortir de la difficulté de penser, de la confusion mentale, cela suffit à légitimer l'existence de l'activité humaine". Et le P n'est autre que pétrole, car "il faudrait chercher le renouvellement des sources d'énergie. Repenser le développement économique".
Le Q est une querelle, dans l'idée que "le consensus est une idiotie. La querelle et le différent sont nécessaires à la démocratie elle-même". Le V est une vengeance, selon "qu'il faudrait ébranler la certitude du juge. Sinon on risque de revenir à un monde rempli de certitudes comme à l'époque de l'Inquisition". Quant au T, il devient tout puisque "l'univers est saisi à partir de son tout. Penser, c'est aller au tout".
C'est dans une volonté d'interroger le spectateur, de l'interpeller et de le troubler dans le courant de ses multiples réflexions quotidiennes que la réalisatrice Suzy Cohen voulut faire un film basé sur l'écoute, la parole, et l'interrogation de la pensée. C'est pourquoi elle fit immédiatement appel à René Schérer, éminent philosophe, mais "ce qui m’intéresse, ce n’est pas son savoir mais la façon dont il regarde, la façon dont il décrypte le monde contemporain, la manière dont il s’interroge sur celui-ci, sa curiosité constamment en éveil".
L'alphabet va servir, selon la cinéaste, de cadre aux pensées du philosophe : "il va me permettre de donner une meilleure compréhension de la vie, de ses résonances, de ses élégances" précise-t-elle. L'image ne sert pas quant à elle l'idée qui découle de la lettre, n'est pas faite pour l'illustrer, mais pour laisser "le public faire ses rapprochements, créer des ponts entre une idée et une autre, en laissant leur esprit vagabonder pour mieux se fixer sur une idée et la développer, l’amener à s’interroger".