Œuvre posthume du cinéaste polonais Andrzej Wadja, les Fleurs bleues relate les dernières années du peintre polonais d’avant-garde Wladyslaw Strzeminski, compagnon de Kandinsky et Malevitch, créateur du musée d’art moderne de Lodz, l’un des fondateurs de l’art contemporain, inventeur de nouvelles formes, théoricien du suprématisme, courant artistique visant à libérer la création de toute contrainte et de toute logique, mariée à la sculptrice Katarzyna Kobro dont il divorcera…adulé de ses étudiants…artiste reconnu…et invalide de la première guerre mondiale où il perdit une jambe et un bras, ce qui ne l’empêche pas de peindre..…le film commence dans un paysage printanier, où le maître enseigne sa théorie de « l’unisme » à des étudiants radieux….cette atmosphère lumineuse laisse vite la place à la grisaille d’un monde de privations et à la désespérance d’un pays qui étouffe et qui après avoir connu le joug nazi, apprend à vivre sous celui du stalinisme. Confronté au réalisme socialiste qui entend tout régir notamment dans le champ de la création artistique, Strzeminski résiste, ne reniant en rien ses convictions, sa foi en l’art, et se trouve broyé par un enchainement d’humiliations, exclusion de l’enseignement, et bientôt de tout travail, radiation du syndicat des artistes, privé de logement, de tickets de rationnement … jusqu’à sa mort prématurée à 59 ans. Sa garde rapprochée d’étudiants fidèles, dont certains d’ailleurs y perdront la liberté, n’aura pas suffit à le sauver de la misère et de la déchéance…la réalisation est austère avec une prédominance des teintes brunes et grises, couleur d’un perpétuel hiver…dans cet univers gris, tranche la tache de couleur du manteau rouge de sa fille Nika, ( formidable Bronislawa Zamachowska) animée d’une volonté de vivre, montrant une sagesse et un sérieux sans rapport avec son âge…allant d’une mère mourante à un père désespéré…Boguslaw Linda donne une remarquable épaisseur au personnage emblématique qu’est Strzeminski, impeccable de raideur et de sensibilité intériorisée…et parmi les élèves, mention spéciale à Zofia Wichlacz, adorable et fragile Hania…. Andrzej Wadja, nous laisse avec ces Fleurs bleues, un testament magnifique et poignant….