Double ration de Tom Hardy pour un seul et bon film
Qu’apporte le scénariste de Green Zone, Mystic River, Complots et L.A. Confidential entre autres et réalisateur de Payback au récit de grandeur et de chute du gangster ? Si la femme était un élément important dans Casino (1995) et The Goodfellas (Les Affranchis, 1990) du cinéaste Martin Scorcese, les films n’en restaient pas moins narrés par des personnages masculins. Si Helgeland est un homme, et a donc aussi un regard masculin, c’est un personnage féminin, Frances Shea – qui deviendra la femme de Reggie –, qui narre le récit du film.
La place première de la femme dans le film apporte une toute autre vision du récit gangster-ien. Il ne s’agit pas de la montée et de la disgrâce de ceux-ci dont l’appétence de pouvoir les a détruit. Loin de là, les frères Kray, s’ils ont su agrandir leur empire, sont restés modestes. Le premier problème est l’impossibilité de Reggie de se détacher de travail, pour se concentrer sur l’amour de sa vie, Frances. En perdant sa femme (je vous laisse le plaisir de découvrir de quel genre de perte il s’agit), Reggie ne peut plus avancer. Comme il est dit dans le film, elle était la seule personne à pouvoir le comprendre. C’est à cause de son amour fou pour Frances que sa chute sera inévitable, mais pas que.
En effet, le deuxième problème de Reggie, décidemment le personnage masculin principal, concerne son frère, Ronnie. On disait peu avant que Reggie ne réussissait pas à se détacher de son métier de gangster, ce dernier est incarné en la personne de Ronnie, son jumeau ne cessant d’affirmer son homosexualité – très difficilement acceptée dans les années 60’s – et son titre de gangster. Si le film est une histoire d’amour, celle-ci est double : amoureuse, entre Reggie et Frances ; et fraternelle, avec Reggie et Ronnie.
« Pourquoi as-tu fait ça ? » dit Ronnie à Reggie qui vient de littéralement massacrer à coup de couteau un personnage devant bien d’autres personnes, en pleine fête. « Parce-que je ne peux pas te tuer » lui répond Reggie. Et c’est de tout cela qu’il s’agit dans le film, de l’amour et de la haine fraternelle, du sentiment familial peut-on dire, qui lie les jumeaux à la vie et à la mort, et les condamnera forcément à leur chute. Non pas juste parce qu’ils sont frères, mais parce que si Reggie est un business man agressif dira-t-on, son frère Ronnie est psychologiquement – et peut-être plus – souffrant. « Taré », « siphonné » dira Reggie à propos de son frère dont il a forcé la sortie d’un hôpital psychiatrique de haute sécurité, à coup de pot de vin et de menaces. Cette libération du frère jumeau souffrant au début du film annonce la fin du premier qui au fond ne cherche qu’à vivre une vie familiale avec sa femme.