Si vous attendiez de Legend un film de gangster dans la veine de la mythique trilogie du Parrain de Francis Ford Coppola ou du cultissime Les Affranchis de Martin Scorsese, vous serez donc surpris du résultat. Si vous êtes un grand amateur de film de gangster comme moi avec à l’esprit des classiques comme les titres évoqués ci-dessus auxquels on peut ajouter Les Incorruptibles et Casino qui ont pu marquer votre cinéphilie, désolé de dire que Legend vous décevra beaucoup... Londres, les années 1960. Les jumeaux Reggie et Ronnie Kray, célèbres gangsters du Royaume-Uni, règnent en maîtres sur la capitale anglaise. À la tête d’une mafia impitoyable, leur influence paraît sans limites. Pourtant, lorsque la femme de Reggie incite son mari à s’éloigner du business, la chute des frères Kray semble inévitable. Brian Helgeland, metteur en scène du très sympathique 42 retraçant la vie de Jackie Robinson dans le monde du baseball, nous offre donc pour cet intriguant et excitant film de gangster une œuvre du genre qui apparaît comme étant assez atypique dans le genre. En effet, plutôt que de nous raconter une histoire qui se dit « inspirée de faits réels » pour évoquer le parcours criminel des frères Kray dans le Londres des 60’s, Brian Helgeland préfère se pencher à ma grande surprise (et déception) sur la romance entre Reginald Kray et sa femme Frances Shea (eh oui pendant tout le film malheureusement) ainsi que sur la relation entre les deux frères Kray, né jumeaux ce qui offre au film un certain intérêt. Mais voilà, contrairement à ce que l’on pourrait penser quand on visionne un trailer du film ou qu’on lit son synopsis, Legend est un film de mafia assez lent, très peu prenant, sans morceaux de bravoures qui vous restent en mémoire, avec des moments de creux et aussi avec peu de dynamisme. Et la faute revient à un scénario très classique qui s’enlise trop dans le sentimental et le glamour, délaissant ainsi la reconstitution historique du parcours des frères Kray (très secondaire ici) et le film de gangster habituel avec ses codes en évoquant rapidement l’organisation de la mafia Kray, leurs trafics, leurs oppositions avec les autres mafias de Londres et leur traque par Scotland Yard. Si vous êtes du même avis que moi sur ce genre de film vous serez donc un peu déconcerté de voir qu’il n’y a quasiment rien de tout ça car le réalisateur a préféré se démarquer en racontant une histoire mafieuse très romancée, avec de l’amour, du sentimentalisme, de la haine, de la tragédie, des destins brisés,… Bref, ce film avait un énorme potentiel et une belle ambition avec pour contexte le Londres des 60’s, ce côté inédit de mettre en scène les jumeaux Kray joués par un seul acteur, d’évoquer leur ascension puis leur chute, tout comme leur relation compliqué (qui ici est plutôt bien traitée je l’avoue) mais le scénariste en a décidé autrement. Legend ne marquera donc certainement pas l’Histoire du cinéma comme l’ont fait Le Parrain ou Les Affranchis en leur temps. Il restera un film de gangsters classique, anecdotique, oubliable mais sans être ridicule car il se regarde tout de même bien malgré un certain désintéressement qui se fait ressentir devant l’histoire d’amour entre Reggie et Frances qui domine une trop grande partie du film. Mais saluons tout de même la très propre mise en scène de Brian Helgeland qui manque pourtant de moments de folie pour nous prendre aux tripes et de plus, toute la technique de réalisation pour permettre à Tom Hardy de jouer face à lui-même est bien maîtrisée. Ce qui nous permet enfin d’évoquer LE point fort du film, celui qui nous fait aller jusqu’au bout, et qui est bien sûr la double interprétation géniale de Tom Hardy, qui cabotine parfois quand il est dans la peau de Ronnie Kray, mais qui sauve littéralement le film par son talent, son charisme et son investissement dans ces deux personnages qui forme un duo de frères assez étrange et attachant. Mais sinon, une fois Legend terminé, on a le sentiment d’avoir loupé un sacré bon film... Alors que, à titre de comparaison, j’ai découvert, un jour avant de voir le film de Brian Helgeland, le tout bonnement excellent Strictly Criminal de Scott Cooper, sorti trois mois avant Legend, avec un impressionnant Johnny Depp dans le rôle de James Whitey Bulger, gangster qui a sévit dans les années 1980 à Boston aux Etats-Unis. Et donc en voilà un bon exemple de VRAI film de gangster, le dernier en date, où nous retrouvons tout ce qui fait le charme du genre : reconstitutions de faits historiques avec dates, témoignages et archives, évocation d’une ascension, d’une chute, la traque d’un criminel et de son réseau par le FBI, les trafics en tout genre, les agents corrompus, les règlements de compte, la violence dans la ville, les relations tendues entre mafieux, les guerres de territoires, les indics,… bref Strictly Criminal est un pur film de gangster, plus policier, plus brutal, plus sérieux, plus sombre, en claire, pas loin de la perfection et de l’efficacité d’un film signé Martin Scorsese. Et Legend, lui, en est très, mais alors très très loin…